Militante du droit à l’éducation, la jeune Pakistanaise reçoit le prix Sakharov du Parlement européen. Avant le Nobel de la paix le lendemain ? Mais si elle est une héroïne aux yeux de l’occident, son combat semble loin d’être gagné dans son propre pays…
Malala Yousafzai, un an après avoir réchappé à un attentat, a reçu jeudi 10 octobre le Prix Sakharov 2013. Ce prix du Parlement européen, « récompense une personnalité qui a marqué les esprits par son engagement dans la liberté de penser. » La jeune Pakistanaise le recevra officiellement au cours d’une cérémonie à Strasbourg le 20 novembre.
En 2012, le prix Sakharov avait été décerné à deux militants iraniens des droits humains emprisonnés, le cinéaste Jafar Panahi et l’avocate Nasrin Sotoudeh. Cette dernière a été récemment libérée. |
En lui décernant ce prix, « le Parlement européen reconnaît la force incroyable de cette jeune femme. Malala se bat courageusement pour que tous les enfants aient droit à l’éducation. Ce droit à l’éducation des jeunes filles est trop souvent oublié », a déclaré le Président du Parlement, Martin Schulz. « Étant donné que demain, 11 octobre, nous fêtons la Journée internationale des filles, j’aimerais rappeler qu’environ 250 millions de filles dans le monde ne peuvent pas aller librement à l’école. L’exemple de Malala nous rappelle notre devoir et notre responsabilité de garantir aux enfants le droit à l’éducation. Il s’agit là du meilleur investissement pour l’avenir ».
De la vallée de Swat à l’ONU
Le 9 octobre 2012, des talibans tiraient dans la tête de la jeune fille, alors qu’elle sortait de son école au Pakistan. A l’époque, déjà, Malala Yousafzai militait vigoureusement pour l’éducation des filles dans son pays, et notamment dans la vallée de Swat, qui reste sous la menace des islamistes radicaux.
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Transférée au Royaume-Uni pour y être soignée après cette attaque qui a failli lui coûter la vie, c’est depuis l’occident qu’elle mène campagne, depuis, en faveur des droits des femmes et du droit à l’éducation. Elle est ainsi montée à la tribune de l’ONU le 12 juillet, jour de ses 16 ans. Puis a été nommée envoyée spéciale de l’ONU pour l’éducation, au côté de l’ancien Premier ministre britannique Gordon Brown. Elle s’est récemment engagée à ce titre pour les enfants syriens, privés d’école en raison de la guerre civile.
Et maintenant le Nobel ?
Malala Yousafzai avait reçu le 6 septembre le Prix international de la Paix des enfants. Et la jeune Pakistanaise est favorite pour recevoir le prix Nobel de la paix, qui sera décerné vendredi 11 octobre, le lendemain de ce prix Sakharov. Même si les favoris sont rarement, au bout du compte, les lauréats du Nobel.
Deux marques de considération en deux jours ? Elle « le mérite personnellement », juge Hannes Swoboda, le président du groupe Socialistes et Démocrates (S&D) au Parlement européen. « Si elle devient lauréate, cela enverra un signal clair en faveur de la promotion des droits des femmes et du droit à l’éducation. Elle est un exemple frappant du fait que les femmes doivent encore lutter pour un minimum d’égalité dans certaines régions du monde »
La jeune fille elle-même, pourtant, reste modeste. Elle n’estime pas mériter encore cette marque de considération : « Beaucoup de gens méritent le prix Nobel de la paix. Je pense que je peux en faire encore davantage. Selon moi, je n’ai pas accompli tant de choses que ça pour gagner le Nobel de la paix », a-t-elle récemment déclaré à une radio pakistanaise.
Pas prophète en son pays
Au Pakistan, les talibans ont réitéré de leur côté, les menaces à l’encontre de Malala qu’ils considèrent comme une ennemie. Et sur place, la situation est ambigüe, rapporte l’agence Associated Press. Dans la vallée de Swat elle reste une héroïne, mais un an après l’attaque dont elle a été victime la peur domine toujours chez les écolières. « Nous avons reçu des menaces, il y a tant de problèmes », rapporte le directeur de son ancienne école. « C’est devenu bien plus dangereux pour nous suite à son attaque et l’attention dont elle fait l’objet. Les talibans sont extrêmement dangereux. Ils ne contrôlent plus Swat, mais sont toujours présents ici. Nous avons tous peur ».
Elle se voit même accusée par certains d’être un symbole au service de l’occident, voire l’instrument d’une conspiration contre le Pakistan. Une accusation à laquelle elle répond calmement dans cette interview : « Je me contente de parler d’éducation, des droits des femmes et de paix ».