L’enjeu : aujourd’hui notre seul indicateur de richesse est le PIB qui mesure la consommation de biens et services marchands. Mais il est insuffisant et souvent contre productif.
Il ne prend pas en compte :
- La destruction de stocks de ressources naturelles due à certains modes de production ;
- Le travail domestique et bénévole (si le travail domestique était compté, il représenterait 35% du PIB).
En revanche sont intégrés au PIB :
- Les dépenses défensives, celles qui consistent à dépolluer par exemple.
Cela aboutit à des situations absurdes :
- La maladie est une source de richesse puisqu’on consomme des médicaments. En revanche les soins préventifs apportés dans un cadre familial ou bénévole ne sont pas une richesse ;
- Un embouteillage est une source de richesse puisqu’on consomme de l’essence ;
- Un accident de la route est source de richesse puisqu’on paie des réparations.
Alors faut-il s’obstiner à chercher de la croissance avec les dents quand le remède à la crise est peut-être ailleurs ?
Les étapes de l’évolution : la critique du PIB sort de la marginalité
Depuis le début des années 70, des chercheurs s’époumonent à dire que l’utilisation du PIB comme seul indicateur de richesse et guide des politiques publiques n’est plus pertinente. Considérés comme hétérodoxes jusqu’ici, ils semblent avoir été entendus depuis la création, par le Président de la République, en janvier 2008, de la « Commission sur la Mesure de la Performance Économique et du Progrès Social » dite Commission Stiglitz. Dans la foulée s’est créé le Forum pour d’autres indicateurs de richesse (FAIR) qui rassemble des travaux existants. La machine est lancée pour sortir de la pensée unique de l’économie… Même si elle avance très lentement. Il s’agit à la fois de changer de cap et de changer d’outils de pilotage. Cette nouvelle « politique de civilisation » ne peut se résumer à une technique économique. Elle mérite un grand débat que nous vous proposons ici.
Dates clés |
Mise en place du PIB pendant la Grande dépression 1970 : rapport « Halte à la croissance » du club de Rome 1987 : Rapport Brundtland, du nom de la présidente de la commission mondiale sur l’environnement et le développement (CEMED) des Nations Unies 1999 : « Qu’est-ce que la richesse ? » ouvrage de Dominique Méda, Alto, Aubier 2002 : « Reconsidérer la richesse », rapport de la commission Nouveaux facteurs de richesse, secrétariat d’Etat à l’économie solidaire Juin 2007 : déclaration d’Istambul (OCDE, PNUD Banque Mondiale puis FMI, BIT) Novembre 2007 : commission Européenne, OCDE, et parlement Européen organisent une conférence « au-delà du PIB, mesurer la richesse véritable, le progrès et le bien-être des nations » Janvier 2008 : Nicolas Sarkozy crée la « Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social » présidée par Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie 30 mars 2009 : le FAIR organise une rencontre au Conseil économique, social et environnemental Fin mai 2009 : Le Conseil économique, social et environnemental publie un rapport sur « les indicateurs du développement durable et l’empreinte écologique » Juin 2009 : la commission Stiglitz publie un document provisoire qui a fait l’objet d’une première réaction de la part de Jean Gadrey et Dominique Méda pour le collectif FAIR. Ces derniers approuvent le constat dressé : les instruments actuels nous rendent quasiment aveugles devant des risques majeurs. Mais regrettent-ils, ces propositions insistent trop sur la monétarisation comme principale méthode de mesure du progrès. Depuis janvier 2008 : la présentation des résultats de la commission a été repoussée à plusieurs reprises, et la crise économique s’accompagne de comportement de repli « croissance addict » , la croissance étant fondée sur le PIB. Pourtant de nombreuses voix s’élèvent pour affirmer que nous ne traversons pas une simple crise économique mais une crise de notre modèle de développement. Alors qu’est-ce qu’on attend ? |
Des exemples d’indicateurs alternatifs :
- L’Indicateur de développement humain (IDH). Développé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), il élargit la notion de développement en reflétant, en plus de l’accès aux ressources économiques, l’accès à la santé et à l’éducation des populations.
- L’Indicateur de bien être économique des Canadiens Osberg et Sharpe mesure quatre valeurs :
– les niveaux de consommations, auxquels s’ajoutent les services rendus à titre gratuit par les ménages par le biais du travail domestique, et les services rendus par le bénévolat ;
– la capacité à préserver le patrimoine environnemental ;
– l’insécurité économique, la fragilité économique ;
– la pauvreté.
- Le Bip 40 : baromètre des inégalités et de la pauvreté, mis au point en France par un réseau associatif, de chercheurs militants et syndicalistes.
- 6 dimensions : logement, santé, éducation, justice, travail et emplois et revenus.
- L’ISS : créé dans le Nord-Pas-de-Calais, un indicateur de santé sociale indique qu’aucune corrélation ne peut être établie entre les niveaux de santé sociale et les niveaux de richesse économique d’une région. L’empreinte écologique, par exemple, montre que la croissance exerce une pression insoutenable et peut-être irréversible sur notre patrimoine environnemental.
- Le National Account of Well Being (les comptes nationaux du bien-être) réalisés par la New Economic Foundation, un think tank britanique très bien expliqué par Anne-Sophie Novel d’Ecolo-info ici.
Les références :
« Au-delà du PIB. Pour une autre mesure de la richesse », Dominique Méda, éd. Flammarion, 2008.
« Les Nouveaux Indicateurs de richesse », Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice, éd. La Découverte, 2005.
« Reconsidérer la richesse », Patrick Viveret, éd. de l’Aube, 2002.
« Quel progrès faut-il mesurer ? », de Dominique Méda dans la revue Esprit, juin 2009.
« L’Empreinte écologique », d’Aurélien Boutaud et Natacha Gondran, éd. La Découverte, 2009.
Les liens de références :
www.stiglitz-sen-fitoussi.fr
Pour en savoir plus sur FAIR : www.idies.org
Le rapport du conseil économique, social et environnemental : http://www.conseil-economique-et-social.fr/rapport/doclon/09060215.pdf
L’analyse du WWF
2 commentaires
Pour de nouveaux indicateurs de richesse…
Je relis le livre d’Antoinette Fouque, Il y a deux sexes, paru en 1995 : “Dans aucun pays, la production de vivant, le travail de renouvellement des générations, de renouvellement de la richesse humaine par les femmes ne figure dans le Produit intérieur brut”.
Certaines se souviennent : “nous femmes, trois fois travailleuses”…
Allons-nous enfin vers un monde plus juste ?
Je ne sais pas si la charge d’intervention des femmes dans la vie en général, toutes charges confondues, sera prise en compte tant qu’il y aura des femmes qui copieront les hommes, surtout lorsqu’elles arrivent à des postes importants où elles pourraient affirmer leur différence de vue, de vision politique ou sociale. Je ne comprends pas que les femmes qui arrivent au « pouvoir » (encore un mot qu’il faudrait bannir du vocabulaire politique tant il engendre d’orgueil, de fierté égocentrique et d’autorité sur « les autres »)….adoptent les mêmes comportements que les hommes, même langage, même façon de penser, même vanité, alors que c’est justement leur différence de vue qu’elle devraient mettre en avant avec conviction.Quand banniera-t-on de la politique les aspirations individuelles pour ne s’attacher qu’aux valeurs fondamentales ?
Un pays doit être géré comme une famille, pas comme une entreprise financière performante à rentabilité exponentielle…