Depuis un an, un MeToo hôpital émerge peu à peu. Alors que le milieu hospitalier prend conscience de l’ampleur des violences sexuelles, une tribune co-signée par une centaine d’hommes médecins appelle à en finir avec « le sexisme systémique dans le monde médical hospitalier et universitaire ». Un soutien essentiel dans la lutte contre les VSS.
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Les chiffres sont glaçants. 1 femme médecin sur 2 déclare en avoir été victime de violences sexistes et sexuelles (vss) dans son parcours étudiant ou professionnel selon une enquête du Conseil de l’ordre des médecins publiée en novembre 2024. Une prise de conscience en découle dans le milieu hospitalier et une centaine de médecins hommes s’engagent à combattre ce système patriarcal dont ils sont « imprégnés« .
Les prémices d’un MeToo hôpital
Tout a commencé au printemps 2024, lorsque l’infectiologue Karine Lacombe accuse le médecin urgentiste Patrick Pelloux de “harcèlement moral et sexuel”. Elle le qualifie même de « prédateur sexuel ». Depuis, les accusations de harcèlement sexuel contre lui s’additionnent.
Le syndicat des internes des hôpitaux de Paris avait immédiatement réagi et lancé un appel à témoignages, notamment auprès des internes passés par les urgences et dans les SAMU/SMUR de l’hôpital Saint-Antoine et de l’hôpital Necker, où a travaillé l’urgentiste. Dans un article de Paris Match, Patrick Pelloux soutient que les faits remontent à une époque où « on n’avait pas le même rapport au sexe, c’était pour rigoler »… Si l’Intersyndicale nationale des Internes avait déjà lancé un appel à témoignages en 2017 et avait établi que « près d’un tiers des internes a été au moins une fois exposé à des attitudes sexuelles non désirées » et que « près de la moitié des actes ont été commis par des médecins supérieurs hiérarchiques », une nouvelle enquête menée par le Conseil de l’ordre des médecin dresse un bilan encore plus sombre.
Grâce aux 21.140 témoignages de médecins, l’enquête a pu révéler l’ampleur des VSS dans le milieu hospitalier. Sur les 29 % des médecins actifs qui déclarent avoir été victimes, en majorité lors de leur parcours étudiant, 5 % sont des hommes contre 54% de femmes. Ces dernières dénoncent à 49 % des outrages sexistes et sexuels, 18 % de harcèlement sexuel, 9 % d’agressions sexuelles et 2 % de viols. Les victimes sont 26 % à rapporter des VSS perpétrées par un autre médecin. Dans ce cas de figure, les femmes restent les plus touchées : 49 % des femmes médecins actives contre 3 % d’hommes.
Et si l’enquête du Conseil de l’ordre des médecins ne concerne que les médecins actif.ve.s, les infirmières, les aides-soignantes et les secrétaires sont elles aussi massivement touchées par ce fléau. L’Ordre National des infirmier.es, qui a publié une enquête le 18 décembre 2024, estime à 64 % les infirmières et infirmiers victimes de violences, et à 49 % de violences sexistes ou sexuelles, dans leur cadre professionnel, aussi bien dans les hôpitaux (à 75%) que dans l’exercice libéral (31 %). Dans ce dernier cas de figure, 80 % des infirmier.es confient avoir subi des violences de la part de patients ou de leur entourage. « Les VSS ne sont pas confinées à une seule profession ou à un type d’établissement, mais qu’elles s’inscrivent dans une problématique systémique », martèle l’Ordre National des infirmier.es.
Briser l’omerta
Les révélations du Conseil de l’Ordre des médecins sont d’autant plus alarmantes que l’enquête révèle que 65 % des médecins actifs déclarent avoir eu connaissance de VSS dans le monde médical. Au delà de la profession, des personnalités politiques aussi savaient.
Lors des révélations concernant l’urgentiste Patrick Pelloux en avril 2024, plusieurs personnalités politiques réagissent. Dont deux ex-ministres de la Santé : Roselyne Bachelot et Agnès Buzyn. France Info rapporte que ces dernières confirment avoir eu vent du « management harcelant et humiliant » de l’urgentiste, notamment envers les femmes, mais pas de faits de « violences sexuelles ».
Un nécessaire engagement des hommes
Le 17 février 2025, une centaine de médecins (hommes) publient une tribune dans le journal Le Monde et dénoncent à l’unisson le « sexisme systémique qui sévit dans le monde médical, hospitalier et universitaire ».
Médecins, chirurgiens, psychiatres hospitaliers, étudiants en médecine et professeurs… Les VSS sont transversales dans le milieu médical et ils rapportent avoir été témoins : « Nous avons tous entendu, et entendons encore trop souvent, dans les services hospitaliers et les blocs opératoires, des blagues ou remarques sexistes intimidantes et dégradantes vis-à-vis des collègues ou soignantes femmes. Nous avons pu même assister à ce qui se nomme clairement maintenant des agressions sexuelles ou du harcèlement sexuel ». Ils vont même jusqu’à admettre avoir été complices de cette “culture sexiste, machiste et patriarcale“ : « Souvent, nous avons ricané avec le groupe et renchéri, parfois nous nous sommes contentés d’une attitude de neutralité silencieuse et, exceptionnellement, nous avons fait part de notre désapprobation ».
Avec cette tribune, la centaine de médecins veut en finir avec l’omerta. Ils s’engagent à ne plus se taire, à ne plus sourire, à ne pas rigoler aux blagues sexistes et à ne plus fermer les yeux. À ne plus accepter que les agresseurs soient promus. Et à accompagner « les collègues victimes dans leur démarche de signalement ». La lutte contre les violences sexistes et sexuelles doit être soutenue et, surtout, menée avec et par les hommes. Suite à la libération de la parole des victimes dans le milieu hospitalier, la prise de conscience est collective.
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