« Noémie dit oui » de Geneviève Albert, dévoile l’enfer de la prostitution d’une mineure. Ce film à sujet, volontairement éprouvant, touche juste.
Adolescente placée en centre de jeunesse, Noémie veut revenir vivre avec sa mère. Quand son dernier espoir de retour au foyer disparait, elle fugue et est recueillie par son amie Léa. On comprend très vite que le monde extérieur sera pour la jeune fille bien pire que le centre d’accueil. Pendant le Grand Prix de Formule 1 à Montréal, Noémie est enfermée pendant trois jours dans une chambre d’hôtel pour gagner l’argent de ce qu’elle croit être sa liberté.
Elle a dit « oui » mais son corps dit non.
Kelly Depeault, dans le rôle de Noémie, porte le film sur ses épaules
Ce premier film signé par la jeune Geneviève Albert, cite les influences de Jeanne Dielman (1975) de Chantal Akerman et de Deux jours, une nuit (2014) des frère Dardenne, œuvres militantes et naturalistes qui dénoncent d’autres formes de cruauté et déterminisme sociaux. « J’ai usé du dispositif de la répétition pour délaisser le champ de la compréhension afin de pénétrer celui du ressenti, explique la réalisatrice. Pour filmer les scènes de prostitution, j’ai choisi de pointer ma caméra vers les clients de Noémie. Ainsi, s’ils jouissent habituellement d’une invisibilité dans la société, les clients sont de chair et de sang dans mon film : ils ont un visage, un corps, une voix. L’instant d’un film, j’ai voulu qu’on ne puisse pas ignorer l’horreur. Qu’on ne puisse pas s’en détourner. »
Les spectateurs vivent donc avec Noémie (incroyable Kelly Depeault) le cauchemar du défilé de chacun des clients dans sa chambre d’hôtel. La jeune prisonnière a donné son consentement ; son amie Léa, qui se prostitue dans la chambre d’à côté, l’a même encouragée à passer le pas, peut-être pour ne plus être seule victime. Noémie est une jeune fille pleine d’énergie, un peu punk et loin d’être naïve. Pourtant, elle sera broyée par les rouages de l’enfermement dans la prostitution, ici décrits froidement. Même si la réalisatrice « sauve » son héroïne, son film se conclut par une phrase révoltante : « au Canada l’âge moyen d’entrée dans la prostitution se situe entre 14 et 15 ans ».
La France connait aussi ces ravages, malgré la loi sur l’abolition de la prostitution de 2016. Le 13 avril, jour anniversaire de la promulgation de cette loi, sept associations féministes signaient une tribune dans le journal Le Monde, pour dénoncer le manque constant de moyens gouvernementaux pour lutter contre le système prostitutionnel et accompagner les prostitué.es.
« Noemie dit oui » de Geneviève Albert (Québec, 116 minutes) avec Kelly Depeault, James Edward Metayer, Emi Chicoine, produit par Patricia Bergeron, distribué par Wayna Pitch, en salle le 26 avril.