La star du rugby Ilona Maher est constamment attaquée pour son physique jugé trop musclé. Pour la défendre, le journal L’Equipe lui fait dire : « je peux aussi être gracieuse »… Comme si elle devait s’excuser en se conformant aux codes de la féminité.

Ilona Maher a remporté la médaille de bronze lors des Jeux Olympiques de Paris 2024 et a récemment intégré l’équipe britannique des Bristol Bears. La joueuse des Etats-Unis est aussi est très suivie sur les réseaux sociaux où elle cumule des millions d’abonné.es. Elle est devenue l’une des figures du rugby les plus populaires au monde. Personnalité publique, femme présente sur internet, Ilona Maher subit régulièrement du cyberharcèlement, notamment lié à son apparence. Ses détracteurs lui reprochent sa musculature « trop imposante », « trop masculine »… A-t-on déjà vu un athlète de haut niveau se voir reprocher d’avoir trop de muscles et d’être performant ? Non, sauf si l’athlète est une femme.
Une athlète « trop musclée »
« Son jeu on dirait simplement un buffle en rut » ou « Larry Kubiak a eu une fille », voici les quelques commentaires acerbes et misogynes qui figurent en dessous d’un article du journal L’Équipe, paru le 12 février 2025, sur Ilona Maher.
Ce n’est pas la première fois que la joueuse de rugby est victime de cyberharcèlement. Lors des JO de Paris 2024, elle avait d’ailleurs répondu au flux incessant d’insultes grossophobes sur son compte Instagram : « J’ai été considérée en surpoids toute ma vie. (…) Nous avons parlé de l’IMC [indice de masse corporelle] et à quel point il n’aide pas forcément les athlètes. L’IMC vous donne juste votre taille et votre poids et ce à quoi ça équivaut. Je l’ai déjà dit, je fais 1,77 m pour 90 kg et j’ai environ 77 kg de masse maigre, donc je vous laisse faire le calcul même si vous n’en êtes probablement pas capable », lance-t-elle à ses haters.
Que les femmes pratiquent un sport de haut niveau ou investissent certaines disciplines, qui nécessitent le développement de leur force, a toujours dérangé. La force, les muscles n’entrent pas dans les normes de la féminité. Pour rappel : aux JO, après une première épreuve féminine en 1928, le 800m est interdit aux femmes et c’est seulement en 1960 que l’épreuve leur est de nouveau ouverte. Ou encore le lancé de marteau, qui n’autorise la mixité qu’en 1995 et il faut attendre les Jeux de Sidney, en 2000, pour qu’une épreuve féminine voit le jour. Pour une sportive de haut niveau, la musculature reste taboue, encore aujourd’hui.
Validation par le regard masculin
« Je suis forte et puissante, mais je peux aussi être gracieuse », dit Ilona Maher dans L’Équipe, extrait choisi par le quotidien sportif en titre d’un article qui lui est consacré. Si la joueuse de rugby revendique sa puissance et une musculature nécessaire pour performer dans sa discipline, elle est aussi amenée à se soumettre à une certaine validation de féminité par le regard masculin.
La féminité c’est être gracieuse, douce, frêle, faible même… Une femme musclée contredit ces représentations. Dans le documentaire Toutes Musclées (réalisé par Camille Juza en 2022 et disponible sur Arte), la socio-historienne du sport Anais Bohuon, spécialiste des questions de corps et de genre, observe qu’« une femme a le droit de concourir [à une compétition sportive, ndlr], mais pas de présenter un corps qui sort des critères normatifs de la féminité occidentale. Cela va générer une sorte d’ambiance de suspicion et de contrôle de son corps. Pour éviter d’être critiquées, des sportives vont jouer une hyper féminisation».
Les sportives sont prises en étau : à la fois critiquées lorsqu’elles gagnent en puissance, notamment physique, et assaillies par les injections à la féminité, profondément ancrées au sein de la société et dans les représentations collectives.
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