Les étudiantes de l’École supérieure de journalisme de Lille publient une tribune dénonçant les violences qu’elles subissent avant même d’être diplômées.

« Nous nous sommes senties humiliées, parfois considérées comme des proies » témoignent les jeunes femmes journalistes de la 28e promotion de la licence Presse de proximité à l’École supérieure de journalisme de Lille dans une tribune. À l’unisson, ces étudiantes dénoncent le sexisme et les violences qu’elles subissent dans ce milieu, même avant une première embauche. Cette tribune fait suite au congrès de la Presse Hebdomadaire Régionale, qui a lieu chaque année au mois de juin à Laval. Les étudiant.es de cette licence y sont convié.es afin de présenter leur travail. Mais la soirée a pris une autre tournure pour les jeunes femmes présentes : « Regards insistants, remarques déplacées et gestes malvenus, le congrès a été un concentré de ces violences que nous pouvons subir dans l’exercice de notre profession ».
Plusieurs témoignages viennent appuyer leurs propos. « J’informais les personnes présentes qu’elles pouvaient participer à un quiz avec un panier garni à la clé, un homme m’a répondu avec un sourire : “C’est vous, le lot à gagner ?“ » rapporte l’une des étudiantes. Une autre, assignée à la distribution des journaux à l’entrée, relate des faits similaires : « Un homme s’est approché. Je lui ai tendu un journal. Il m’a dit qu’il aimerait me présenter à plein de collègues en me reluquant. Je lui avais juste dit bonjour ». Les signataires de cette tribune déplorent l’atmosphère sexiste à laquelle elles sont confrontées quotidiennement : « “Toi, tu vas l’avoir ton stage“. Cette phrase, on voudrait l’entendre après une présentation réussie. Pas lors d’une soirée, de la bouche d’un homme de l’âge de notre père qui nous la glisse à l’oreille d’un ton chargé de sous-entendus. »
Ces violences ne se limitent pas à ce seul congrès. L’ensemble du secteur de la presse est concerné. « Ce malaise, nous le vivons aussi dans nos rédactions locales, isolées, où nous n’avons parfois qu’une poignée de collègues et pas toujours de syndicats sur place à qui nous adresser. Nous sommes fatiguées de ne pas être écoutées. Quand la profession changera-t-elle ? Combien d’écoles devront faire attention à ne pas envoyer de jeunes femmes dans certains journaux, dans certaines rédactions ? Combien d’entre nous renonceront à leur rêve par peur de violences ? » interpellent les étudiantes dans leur tribune, alors même que la promotion de l’année 2000 de cette même licence faisait déjà état de « propositions douteuses et de blagues graveleuses »…
Écrire cette tribune, dénoncer ces violences et mettre en lumière les comportements inappropriés de leurs supérieurs, n’a pas été chose facile. « Nous relayons l’actualité locale et nationale. C’est notre métier. Nous décrivons des réalités. Nous témoignons aujourd’hui de cette atmosphère étouffante, non sans difficulté face aux pressions dont nous avons pu faire l’objet, rappelent-elles, avant de conclure : Le journalisme est, aussi, un métier de femmes. Nous y avons toute notre place. Nous ne tolérerons pas ces violences. ».
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