Lors d’une compétition de saut à skis, l’athlète Selina Freitag dénonce les inégalités de primes entre les hommes et les femmes : 3200€ pour les premiers et un kit de douche pour les secondes. Un écart représentatif d’un manque de valorisation économique mais aussi symbolique du sport de haut niveau pratiqué par les femmes.
Une mauvaise blague ? Un kit de douche a été donné à la sauteuse à skis victorieuse de la première étape de la deuxième édition du Two Nights Tour, compétition de saut à skis qui s’est tenue les 31 décembre et 1er janvier. Lors de la prestigieuse Tournée des Quatre Tremplins, compétition masculine organisée simultanément et qui existe depuis 70 ans, les hommes perçoivent 3200€ dès les qualifications.
« Les femmes souhaitent aussi gagner un peu d’argent »
C’est la sauteuse à skis allemande Selina Freitag qui a dénoncé cette inégalité. Le 30 décembre, après avoir remporté les qualifications de l’épreuve de Garmish-Partenkirchen, l’athlète déplore au micro de la chaîne allemande ARD avoir reçu des cadeaux publicitaires quand ses confrères masculins sont récompensés par de l’argent : « Chez les hommes, une victoire en qualification rapporte 3200 euros. Ici, j’ai reçu un sac contenant du gel douche, du shampoing et quatre serviettes. (…) Je ne veux pas trop me plaindre mais cela montre bien les différences ». À raison. Elle précise : « En gros, on m’a dit : »Voilà, désolé, on n’avait malheureusement pas de billet de 500 à disposition’’.
Suite à ses déclarations, Horst Hüttel, directeur sportif de la Fédération allemande de ski, insiste sur la nécessité de « réfléchir à ce sujet. Pour l’instant, il n’y a pas de prix en argent pour la qualification », a-t-il déclaré dans le journal L’Équipe. Il admet également que « la serviette et le gel douche, c’était un peu dommage. La façon la plus intelligente de procéder, c’est de ne rien donner du tout ». Heinz Kuttin, l’entraîneur de la sauteuse allemande, insiste : « Les femmes souhaitent aussi gagner un peu d’argent. Il est temps de faire un pas dans cette direction ».
Des inégalités salariales persistantes
Les inégalités salariales ne sont pas nouvelles dans le milieu sportif et cet écart entre les hommes et les femmes a toujours été important, toutes disciplines confondues. Sur X, Béatrice Barbusse, sociologue du sport et vice-présidente déléguée de la Fédération Française de Handball, rappelle que le 18 juillet 1926, lors d’une compétition mixte de la traversée de Paris à la nage, la 1ère femme avait reçu un objet d’art quand le 1er homme avait perçu 1000 francs. « Un siècle après, certaines habitudes ont du mal à se perdre », conclut-elle.
Les exemples récents d’inégalités salariales sont pléthores. Oxfam France rappelle qu’en 2020, parmi les 100 athlètes les mieux payés au monde, seulement deux étaient des femmes – Naomi Osaka et Serena Williams à l’époque. Encore en 2023, le salaire de Kylian Mbappé, footballeur le mieux payé de Ligue 1, était cent fois supérieur (environ 6 millions d’euros par mois) à celui de la joueuse la mieux payée du championnat de France féminin, Marie-Antoinette Katoto (50 000 euros mensuels). Les deux joueurs étaient alors au PSG. En juin 2024, une amende pénalise le club parisien pour n’avoir pas respecté l’obligation pour les entreprises à publier un « index de l’égalité » afin de mesurer la progression de l’égalité de traitement entre femmes et hommes. Le club était loin du compte. (Pour en savoir plus, lire : « Le PSG sanctionné inégalités entre femmes et hommes »)
Dans le milieu du saut à skis, l’écart des primes attribuées lors de la Coupe du Monde, donc bien au-delà du stade des qualifications, reste significatif. Pour une étape gagnée : 4.300 pour les femmes contre 13.000 euros pour les hommes, comme le rapporte le média suisse Blick. Lors de la Tournée des Quatre Tremplins, les hommes perçoivent un chèque de 105.000 euros. Lors du Two Nights Tour, ce montant est de 10.000 euros pour les femmes.
« Avoir les mêmes chances que les messieurs »
Depuis quelques années, le sport dit féminin connaît une attention médiatique grandissante. La création en 2023 du Two Nights Tour en est l’une des conséquences positives. Malgré une disparité économique persistante, cet événement « est un pas en avant », s’enthousiasme la championne du monde de saut à skis Canadienne Alexandria Loutitt, citée par L’Équipe, et ajoute : « Mais nous devons continuer à faire pression pour obtenir davantage ». De son côté, l’Allemande Katharina Schmid, vice-championne olympique en 2018 et 2022, insiste : « Nous souhaitons simplement avoir les mêmes chances que les messieurs ».
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