Pour la première fois, une femme entraine une équipe masculine de rugby du Top 14. La profession se féminise-t-elle ? Rien n’est moins sûr. Cette nomination est un remplacement de six semaines seulement.
C’est une première ! Sandrine Agricole vient d’être nommée à la tête du Rugby Club Toulonnais. Dans l’histoire du Top 14, soit le niveau de compétition le plus élevé en rugby à XV à l’échelle nationale, jamais une femme n’avait entrainé une équipe masculine.
Situation de crise, une femme à la rescousse
Cette décision inédite fait suite au retrait temporaire de Pierre Mignoni. Le 6 octobre dernier, lors d’un match qui opposait le RC Toulon à l’ASM Clermont Auvergne, l’entraîneur s’est emporté contre les arbitres alors que son équipe était menée d’un seul point (19-18) lors des dernières minutes du match. L’altercation aurait même nécessité l’intervention de certains joueurs. L’attitude de Pierre Mignoni, considérée comme une « action contre un officiel de match », a été qualifiée d’« incorrection » par la commission de discipline de la Ligue Nationale de Rugby (LNR), qui a décidé d’une suspension de six semaines.
Pour guider l’équipe toulonnaise jusqu’au retour officiel de Pierre Mignoni le 8 décembre prochain, c’est Sandrine Agricole qui a été choisie. La raison ? Elle est l’unique membre du staff de son club à détenir le brevet d’État d’entraîneur de deuxième degré. Mais pas seulement. Elle a aussi le profil et l’expérience nécessaire pour être coach : kinésithérapeute du RCT depuis 2020, cette dernière a 84 sélections à son actif et fut l’un des visages emblématiques de l’équipe de France féminine de 2003 à 2014.
Si Sandrine Agricole est la première femme inscrite en tant qu’entraîneure sur la feuille de match d’une rencontre de Top 14, cette position reste malgré tout éphémère. Une fois encore, l’avancée des femmes dans un milieu masculin est conditionnée par le retrait d’un homme…
Le boys club des entraîneurs
Que ce soit des sportifs ou des sportives, le poste d’entraîneur est majoritairement masculin. Si Sandrine Agricole est la première femme à coacher des rugbymen de Top 14, les femmes ne sont pas plus nombreuses du côté des équipes féminines. En 1990, Marie-Céline Bernard est la première femme entraîneur de l’équipe de France de rugby féminin. Cependant, il faut attendre 2023 pour qu’une deuxième, Gaëlle Mignot, accède au même poste. Pendant trente ans, que des hommes. Même bilan lors de la Coupe du monde de rugby féminin en 2017, une seule femme parmi les sélectionneurs.
Mais ce manque flagrant de parité ne se limite pas au rugby. À l’approche des Jeux Olympiques de Paris 2024, le comité olympique rappelait que seulement 13% des coaches aux JO-2020 de Tokyo étaient des femmes et 10% aux Jeux d’hiver de Pékin en 2022, contre 11% à Rio en 2016 et 9% à Pyeongchang en 2018. (Pour en savoir plus, lire : « Match nul pour les JO et la parité« )
40% de femmes entraîneures lors du Mondial féminin en 2025 ?
Des barrières culturelles, sociétales et structurelles persistent. Des hommes entraînent des femmes depuis toujours. Mais que des femmes coachent des hommes, c’est beaucoup plus rare. Pour y remédier, World Rugby, instance dirigeante du rugby mondial, avait annoncé en 2020 mettre en place un tremplin pour favoriser la féminisation du métier. Gaëlle Mignot, aujourd’hui à la tête du XV de France féminin avec David Ortiz, avait bénéficié de ce programme après avoir mis fin à sa carrière de joueuse. L’objectif de la fédération internationale est qu’au moins 40% de l’encadrement soient des femmes lors du Mondial en 2025 ou encore que 30% des entraîneurs des équipes nationales soient des femmes. Un objectif pas si irréaliste puisqu’aujourd’hui les rangs de la Fédération Française de Rugby comptent davantage de femmes : sur les 39 membres élus du Comité d’Orientation Politique, elles sont 19.
À lire aussi : « Béatrice Barbusse : les femmes sont prises dans une cage qui les empêche de monter dans la gouvernance du sport«
Si la nomination de Sandrine Agricole comme entraîneure du RCT reste de courte durée, elle marque un véritable tournant. La kinésithérapeute devenue entraîneure par intérim transformera-t-elle l’essai, brisant ainsi le plafond de verre qui limitent encore les perspectives des femmes dans le sport ?
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