La nouvelle présidente du Parlement européen est farouchement opposée à l’avortement. Son élection à l’issue de tractations politiciennes est un symbole de désintérêt pour les droits des femmes.
Mardi 18 janvier, le Parlement européen a élu à sa tête la députée maltaise Roberta Metsola, pour succéder au social-démocrate italien David Sassoli, mort une semaine plus tôt. Cette juriste de 43 ans, jusqu’ici vice-présidente du Parlement, est farouchement opposée au droit à l’avortement tout comme son pays d’origine, Malte, qui reste l’un des trois pays européens avec Andorre et l’État du Vatican, à interdire totalement l’interruption volontaire de grossesse (IVG), même en cas de viol, d’inceste, de maladie du fœtus ou de danger pour la mère. Et pourtant Roberta Metsola a été confortablement élue présidente, le jour de ses 43 ans, avec 458 voix sur les 616 exprimées. Les autres prétendants, la Suédoise Alice Bah Kuhnke (Verts-ALE) et l’Espagnole Sira Rego (Groupe de la gauche) ont respectivement obtenu 101 et 57 voix.
Roberta Metsola est la troisième femme à présider cette institution, après les Françaises Simone Veil et Nicole Fontaine. Simone Veil fut la première en 1979, quatre ans après avoir obtenu de haute lutte, en 1975 à l’Assemblée nationale, la légalisation de l’avortement en France. Comment une telle situation a-t-elle été possible en 2022 ?
L’élection de la nouvelle présidente avait fait l’objet de nombreuses tractations dans les coulisses du camp des libéraux et les sociaux-démocrates du Parlement, bien avant le décès de David Sassoli. Les élections européennes de 2019 ont été gagnées par le Parti populaire européen (PPE). Ce parti s’était allié aux sociaux-démocrates de S&D et au groupe macroniste Renew pour former une majorité parlementaire. Les alliés étaient alors tombés d’accord pour qu’un socialiste occupe le perchoir pendant la première moitié du mandat et qu’un conservateur lui succède à partir de janvier 2022. Cette succession était discutée depuis plusieurs semaines.
Et, lorsque Roberta Metsola a été nommée candidate, les parlementaires n’ont pas semblé être chiffonnés par le message contre les droits des femmes que cette nomination envoyait. Aucun groupe n’a songé à opposer une autre candidature. Dans le camp de LREM, groupe Renew, seul l’eurodéputé Bernard Guetta dit qu’il ne voterait pas pour elle. Du côté des sociaux-démocrates, Sylvie Guillaume et Aurore Lalucq avaient également été fermes contre cette candidature. Mais Renew ne voulait pas se mettre à dos le PPE pendant la présidence française du conseil de l’Union européenne, (du 1er janvier au 30 juin prochain) et voulait obtenir 3 postes de vice-président, comme le PPE… Pour obtenir les votes, Roberta Metsola avait affirmé qu’elle ferait passer la position du Parlement européen majoritairement attaché à l’IVG, avant ses convictions personnelles…
Même s’il est peu probable que la présidente fasse revenir l’Europe en arrière sur la question de l’avortement, le signal envoyé est que « l’Union Européenne a des convictions à géométrie variable » déplore le collectif « Avortement Europe : les femmes décident », qui avait « appelé solennellement les eurodéputé.es à respecter les droits des femmes, à appliquer les principes fondamentaux de l’UE et à s’opposer à l’élection de Roberta Metsola » quelques jours avant l’élection.
Comment Emmanuel Macron peut-il « en même temps » défendre les Droits des femmes, à la présidence de l’Union européenne et tenir un discours commun avec la nouvelle présidente du Parlement ? Difficile à dire. Le président de la République a écourté la conférence de presse conjointe avec Roberta Metsola prévue à la suite de son intervention devant le Parlement européen. Les échanges avec les parlementaires ayant été plus longs que prévu. Il a fait une brève déclaration à la presse et une bonne partie des journalistes a quitté la salle pour protester contre l’annulation de la séance de questions.
Le chef de l’Etat a cependant assuré qu’il souhaitait que le droit à l’avortement et la protection de l’environnement soient inscrits dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne…