
Floriane Le Roux pour l’Amicale du Nid
« Phase II » : 5 ans après l’adoption de la loi de lutte contre le système prostitutionnel, FACT-S élabore un plan pour que cette loi soit appliquée.
Le constat est clair : lorsque la loi est effectivement mise en œuvre, elle produit de très bons résultats. Alors la Fédération des Actrices et Acteurs de Terrain et des Survivantes de la Prostitution, aux côtés des Personnes Prostituées (FACT-S) présentait jeudi 11 février, un rapport très complet sur la mise en œuvre concrète de la loi de lutte contre le système prostitutionnel et une analyse de la situation de la prostitution en France, cinq ans après l’adoption compliquée de cette loi.
Le rapport dénonce un manque de généralisation et d’homogénéité dans l’application territoriale de la loi. Et par-dessus tout, un manque de moyens financiers encore plus criant avec la dégradation de la situation depuis le début de la crise sanitaire.
La FACT-S, qui rassemble plusieurs associations dont le Mouvement du nid et la fondation Scelles, aide plus de 8000 personnes prostituées chaque année et accompagne 3000 personnes vers la sortie de prostitution. Cette fédération demande qu’une « phase II » de la loi de 2016 soit lancée en 2021. Pour que la loi soit « effective sur tout le territoire national, avec des moyens à la hauteur des enjeux : la sortie de prostitution pour 40 000 personnes en 10 ans », il faut au total 2,4 milliards d’euros. Soit à 0,24 milliards par an, c’est très peu par rapport aux 1,6 milliards de préjudice économique et fiscal de la prostitution.
Première recommandation : multiplier et améliorer les parcours de sortie. Et d’abord proposer des alternatives. Selon les chiffres du rapport, sur 24 parcours de sortie achevés, 87,5% des personnes ont un emploi. La mise en œuvre effective de la loi montre donc que l’accompagnement des parcours de sortie est efficace. Hope témoigne : son parcours de sortie touche à sa fin. Il a commencé en octobre 2017 et depuis, Hope a signé un CDI, elle peut subvenir aux besoins de sa fille et, comme elle dit, « faire partie de la vie ».
Aujourd’hui, un parcours de sortie c’est une allocation de 330 euros par mois pour un maximum de 3 ans, un accompagnement socioprofessionnel et un titre de séjour provisoire de 6 mois renouvelable 3 fois. La Fédération demande que cette durée soit allongée d’un an renouvelable une fois, et que le montant de l’allocation soit aligné sur celui du RSA.
Deuxième recommandation : une grande campagne nationale pour un changement de regard de la société. Le rapport appelle l’Etat à s’engager pour changer le regard de la société sur le système prostitutionnel en initiant dès cette année des campagnes de sensibilisation. Faire en sorte que partout, toutes les personnes, citoyen.nes, acteurs associatifs et sociaux, et les victimes elles-mêmes, sachent qu’elles ont des droits et surtout, qu’elles puissent y avoir accès. Sensibiliser également la société sur le fait qu’acheter un acte sexuel, c’est l’imposer. Car tant qu’un homme aura un droit d’accès sexuel à une femme, il n’y aura jamais d’égalité réelle.
Troisième recommandation : en finir avec l’impunité pour les prostitueurs, « clients » et proxénètes. Ce que demandent les associations, c’est une application générale et homogène de la loi sur le territoire national. Que l’interpellation et la poursuite des « clients » fassent partie d’une politique pénale appliquée à tous les territoires. Et pour cela, il faut renforcer les moyens humains et financiers de la lutte contre le proxénétisme, notamment s’agissant de victimes mineures et la mise en place des stages de sensibilisation dans tous les départements.
Quatrième recommandation : généraliser la prévention pour assurer un avenir sans marchandisation pour les jeunes
Il s’agir de « prévenir de la réalité et des dangers du système porno-prostitueur » et « présenter la pornographie pour ce qu’elle est : de la prostitution filmée, ni de la création artistique, ni de l’éducation sexuelle. »
Enfin le FACT-S veut un effort financier à la hauteur de l’enjeu pour amplifier d’urgence la lutte contre le système prostitutionnel, « pour que le principe républicain d’égalité entre les femmes et les hommes devienne une réalité, et que recule enfin significativement une des pires et des plus archaïques forme de violence envers les femmes. »
Car aujourd’hui l’achat de « services prostitutionnels » est encore banalisé, réalisé par des personnes qui ignorent le système d’esclavage qui se cache derrière leur achat : 100% des « clients » prostitueurs sont des hommes, 60% d’entre eux sont en couple ou mariés, 70% ont des enfants. Lors de la présentation de ce plan à la presse, une ancienne prostituée aujourd’hui bénévole, raconte que, lors des stages de sensibilisation, les hommes clients se rendent compte de la réalité de la vie de prostituée et sortent tous bouleversés de ces stages. Informer sur la réalité de la prostitution pour prévenir les situations d’esclavage prostitutionnel, c’était aussi l’esprit de la loi de 2016 qui a tant été conspuée.
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