Les femmes de moins de 30 ans vivent les mêmes situations professionnelles que les femmes de plus de 50 ans constate le rapport « Women in the Workplace ». Et les maigres efforts pour l’égalité professionnelle se relâchent.
À l’occasion de la dixième édition de son étude sur les femmes au travail, en partenariat avec LeanIn.Org, McKinsey a repris les données d’une decennie pour comprendre les progrès et régressions de la place des femmes au travail. L’étude a observé 1 000 entreprises et interrogé plus de 480 000 personnes en Amérique du Nord. Et les résultats de cette étude présentent bien des similitudes avec la situation des femmes dans les entreprises en France.
« Le plus inquiétant, c’est qu’il n’y a pratiquement pas eu d’amélioration d’une génération à l’autre. En fait, non seulement les expériences des femmes de moins de 30 ans sont similaires à celles des femmes de 50 ans et plus, mais à certains égards, elles sont pires. » écrivent Marianne Cooper et Priya Fielding-Singh, deux chercheuses qui ont analysé cette enquête dans la Harvard Business Review
Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets : les femmes se concentrent dans les secteurs d’activité et les postes les moins valorisés. Elles continuent d’assumer beaucoup plus de tâches ménagères et de soins aux enfants que les hommes. Et elles sont découragées par le sexisme qu’elles subissent au travail. Même si les femmes sont un peu mieux représentées dans les postes de direction, ces progrès sont fragiles et il n’est pas certain que la génération des moins de 30 ans continuera dans cette voie.
Discriminées à tous les niveaux
Les femmes sont bloquées dès l’entrée dans le monde du travail : elles ne représentent que 48 % des débutant.es, alors qu’elles sont plus diplômées que les hommes de leur génération : elles détiennent 59 % des diplômes de licence.
Puis elles se heurtent à un « échelon brisé ». Elles ont, encore aujourd’hui, moins de chance que les hommes d’obtenir une promotion En 2024, 81 femmes ont été promues managers pour 100 hommes. En 2018, ce chiffre était de 79 pour 100 hommes, à peine l’épaisseur du trait !
Autre handicap pour les carrières des femmes : le harcèlement sexuel reste massif dans les entreprises étudiées. Un tiers des jeunes femmes, ont subi une forme de harcèlement sexuel au cours de leur carrière. C’est autant que les femmes plus âgées alors que le laps de temps sur lequel portent les réponses est évidememnt plus long pour ces dernières. #MeToo n’aurait pas eu d’effet sur le lieu de travail.
Et ce n’est pas tout ! Les plus jeunes assument la même quantité de tâches ménagères et de soins aux enfants que les femmes plus âgées. Plus d’un tiers des femmes en couple continuent d’assumer la plupart ou la totalité des responsabilités domestiques.
Course à handicaps pour elles
En outre la jeunesse des femmes n’est pas perçue de la même façon que la jeunesse des hommes. Les jeunes femmes sont deux fois plus nombreuses que les jeunes hommes à signaler que leur âge a été un frein pour se voir confier des responsabilités.
Enfin, les jeunes hommes sont de moins en moins enclins à faire pression sur leurs organisations pour l’égalité. Alors que les jeunes femmes sont plus engagées que leurs ainées dans les questions de genre et de diversité raciale, les jeunes hommes, eux, le sont clairement moins. Ce constat est corroboré par plusieurs études sur la génération Z.
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Alors que faire ? D’abord, les autrices de l’étude constatent que les entreprises qui avaient fait de petits d’efforts dans les années 2000/2010 baissent la garde. On entend d’ailleurs, dans les entreprises françaises comme américaines, parler de « gender fatigue » les dirigeants seraient fatigués par les efforts fournis pour l’égalité femmes hommes. Manifestement, ils crient avant d’avoir mal. Les engagements des entreprises n’ont jamais été aussi faibles, assure le rapport. Les dirigeants pensent que l’évolution va se faire toute seule alors que « le changement social exige des efforts délibérés et soutenus. »
Changer de lunettes
Les maigres efforts qui ont été faits se sont concentrés sur la place des femmes à la direction de l’entreprise. « Mais il faut également agir au début de la filière. » Assurer un suivi des taux de promotion par sexe et par niveau afin d’identifier les obstacles cachés et bloquer les préjugés susceptibles d’entraîner des disparités dans les évaluations des performances préconisent Mc Kinsey et LeanIn.
Enfin, les entreprises doivent prévenir les microagressions et les préjugés spécifiques qui peuvent nuire aux carrières des femmes. Lors de cette étude, les jeunes femmes ont beaucoup dit qu’elles ne se sentaient pas prises au sérieux et que leurs idées étaient ignorées… Ce qui ne laisse rien augurer de bon pour évaluer leur leadership et leur confier des responsabilités.
« Si nous voulons que nos filles vivent mieux que leurs mères et leurs grands-mères, nous devons enlever nos lunettes roses et nous retrousser les manches. » concluent Marianne Cooper et Priya Fielding-Singh.
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