Pour ce mois d’août, deux films de colère. Dans Rêve de jeunesse d’Alain Raoust, la colère sourde d’une jeune fille dégoûtée du monde va se transformer le temps d’un été. Dans L’intouchable Harvey Weinstein, la documentariste Ursula MacFarlane fait entendre la colère des femmes abusées par l’ex-magnat d’Hollywood, dont la chute a déclenché le mouvement MeToo dans le monde entier.

Commençons par réinventer le monde…
Ça vous dirait de passer vos vacances dans une déchetterie ? C’est le job d’été qu’a choisi la jeune Salomé, de retour dans son village dans les Alpes du Sud. Habitée par une colère sourde, elle parle peu, ne sourit jamais. La déchetterie est déserte, écrasée de soleil dans une ambiance de western. Mais la mélancolie de notre héroïne va être heureusement secouée par quelques visiteurs improbables et par le fantôme de l’ancien gardien du lieu, un jeune militant zadiste. Alain Raoust signe là un film politique qui rejoint la révolte silencieuse de notre pays. Dans la déchetterie s’élèvent trois bennes, une bleue, une blanche et une rouge : tout un symbole. Mais elle est aussi l’endroit d’où l’on peut reconstruire : des sculptures d’objets récupérés, un canapé dans un vieux bateau, une cabane près de l’eau. L’utopie n’est pas un gros mot après tout. Le temps d’un mois d’août, Salomé, qui avait abandonné le combat, retrouve le sourire et l’envie de construire. Et nous aussi, emportés par ce concentré de mélancolie drôle et émouvante. Le talent des acteurs y est pour beaucoup : au centre Salomé Richard butée et douce, entourée par Yoann Zimmer, taciturne et blessé, Jacques Bonnaffé venu en vélo pour une soirée, et surtout d’Estelle Meyer, tornade d’énergie à la voix de diva.
Rêve de jeunesse d’Alain Raoust, 1h32. Scénario avec Cécile Vargaftig, avec Salomé Richard, Yoann Zimmer, Estelle Meyer. Produit par Cinéma Defacto, distribué par Shellac, en salles le 31 juillet. Bande annonce :
…Sans jamais oublier de s’indigner

Ce qui peut nous dégoûter du monde, ce n’est pas seulement sa violence, mais aussi son injustice… Le documentaire L’intouchable Harvey Weinstein décortique la manière dont le producteur hollywoodien a réussi à agresser sexuellement des dizaines de femmes pendant plus de 30 ans tout en imposant la loi du silence. Ses anciens collaborateurs témoignent, dont certains longtemps restés chez Miramax alors même que le doute n’était plus permis. Des femmes ou des témoins ont été payés pour se taire. D’autres se sont tues sous la menace ou de peur de ne pas être crues. Il a fallu la rédaction puissante du New York Times et la ténacité du journaliste Ronan Farrow pour qu’enfin le secret soit levé. La production et la réalisatrice de ce film étant anglais, cela a sans doute permis la liberté du propos et la distance nécessaire. Parmi la vingtaine de personnes interviewées (dont la moitié sont des femmes agressées par Weinstein), une jeune cadre de Miramax Londres qui n’avait jusqu’ici pas été entendue livre un témoignage passionnant de l’intérieur. L’intouchable… est aussi un résumé inquiétant des méthodes d’abus du pouvoir masculin sur les femmes. Et la conclusion reste sombre : « Il y a un Harvey Weinstein dans toute industrie, entouré de gens terrifiés » résume l’une des protagonistes. Aux Etats-Unis, pays où, rappelons-le, le président Trump s’autoproclame « attrapeur de chattes », le procès public de Weinstein s’ouvre le 9 septembre prochain.
L’intouchable Harvey Weinstein, documentaire d’Ursula MacFarlane, 99 minutes. Produit par LightBox et la BBC, en salles le 14 août. Bande annonce