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Bruits et chuchotements

Nouvelle poussée de male gaze dans les médias

par Clara Authiat
Ecrit par Clara Authiat

La charge mentale des hommes, les femmes responsables de la baisse de la natalité, Michel Drucker et ses « copains du sport »… Le “mâle” traitement de l’actualité est difficile à chasser, même en 2024.

Capture d’écran, émission Quelles Époque ! du 13/01/24.

LesNouvellesNews.fr formulaient le voeux de faire mieux en 2024… mais non. Depuis le début de l’année, soit seulement dix-sept jours, le traitement médiatique de l’actualité continue de se faire par le biais du regard des hommes. Même sur des problématiques qui concernent directement les femmes, comme la charge mentale et le choix d’avoir des enfants ou non, ou les violences. À qui les médias donnent-ils la parole ? Petit florilège.

À lire : “Médiatisation des femmes inférieure à 20% : il faudra faire beaucoup mieux en 2024”

Le Figaro s’inquiète de la charge mentale des pères de famille…

Et les hommes alors ? Qu’en est-il de leur charge mentale ? C’est la question posée par un article paru dans Le Figaro, le 14 janvier. Intitulé « La charge mentale des pères de famille : ce sujet tabou dont on ne parle qu’en coulisses », le papier revient sur ce « signe de l’époque ». Depuis, le confinement certains hommes sentent le poids du foyer peser lourdement sur eux… selon leurs dires. « Je dois gérer des choses dont je ne m’occupais pas, confie l’un d’entre eux, avant d’ajouter : Je m’auto-persuade que je dois à la fois sau­ver la France, m’occuper des enfants, faire toutes les tâches ména­gères ou presque, gagner de l’argent. J’ai conscience que c’est too much mais je pense que c’est aus­si l’époque qui veut ça ». Le monsieur interviewé est père de trois enfants et cadre en entreprise. Et la mère ? Aucune mention d’elle. L’article est totalement dépourvu de statistiques ou de témoignages de mères de famille. Aucune remise en question. Les hommes le disent, c’est vrai…

Pour rappel : selon l’Observatoire des inégalités, les femmes consacrent 3 heures en moyenne par jour aux tâches domes­tiques quand les hommes y passent 1 h 45. Pour les mères, le déséquilibre reste le même : elles dédient 1 h 35 aux tâches paren­tales alors que les pères en font moitié moins (41 minutes). Le Figaro adore ces inversions. (Lire : Complainte acrobatique d’hommes victimes d’inégalités)

Fécondité féminine : une discussion entre mecs sur BFM

BFM a-t-elle pris de bonnes résolutions ? Pas sûr… Dans l’émission Le Duel du live du 5 janvier, l’animateur Maxime Switek a convié Xavier Iacovelli, sénateur Renaissance des Hauts-de-Seine, et Aleksandar Nikolic, conseiller régional Centre-Val-de-Loire et membre du Conseil national du Rassemblement national (RN). Le sujet du jour ? « Faut-il inciter les Français à avoir des enfants ? ». Au cours de leur discussion, il n’est pas question de fécondité masculine. Les trois hommes devisent à propos des obstacles qui, selon eux freinent les femmes aujourd’hui : l’éco-anxiété, leur carrière, leur âge…

Selon ces messieurs, il faudrait ouvrir davantage de places en crèche, pour que les femmes retournent vite au travail – les pères n’étant manifestement pas concernés par la question – selon Xavier Iacovelli. Ou encore, il faudrait mettre en place une politique nataliste selon Aleksandar Nikolic, qui déplore la proportion en hausse d’enfants nés d’un parent français et d’un parent étranger…

Ainsi, BFM et ses téléspectateurs ignoreront complètement bien des facteurs qui ont conduit à cette baisse de la natalité en France : la fermeture massive des maternités sur l’ensemble du territoire, le congé paternité qui, en pratique, est encore peu utilisé par les hommes ou encore la charge mentale liée aux tâches domestiques et parentales qui est majoritairement portée par les mères de famille. 

Le 16 janvier, lors d’une conférence de presse, Emmanuel Macron s’est, lui aussi, affolé de la baisse des naissances en 2023. Son projet ? Le « réarmement démographique ». Il propose donc de remplacer le congé parental actuel par un congé de naissance. Il serait mieux rémunéré… mais plus court ! Le but ? « Débloquer les freins économiques et sociaux au désir d’enfant ».

Séquence Michel Drucker : le paternalisme à l’honneur 

Le samedi 13 janvier, l’animateur Michel Drucker était invité sur le plateau de Quelle époque !, émission animée par Léa Salamé et diffusée sur France 2. Sur le banc des convives, était également assise la journaliste Marie Portolano. Autrice du documentaire « Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste » (2021), elle avait dénoncé le sexisme persistant dans le milieu du journalisme sportif.

La discussion bascule lorsque Michel Drucker interpelle sa consœur : « Alors c’est l’ancien reporter sportif qui vous parle, là, Marie. Vous avez vraiment souffert avec les copains des sports, les mecs des sports  ? » dit-il, sourire aux lèvres. Gros silence. Marie Portolano, sidérée, lui répond, ironique : « Euh… Non… ». Mais l’animateur ne s’arrête pas là et renchérit : « Ils ont vraiment eu des attitudes inconvenantes ? Oui, vraiment  ? ». « Bah… y en a eu beaucoup quand même. Je ne suis pas la seule à le dire puisqu’on est dix-huit à témoigner dans ce documentaire. J’aurais pu encore aller chercher plus de consœurs… » rétorque la journaliste.

Condescendance, paternalisme et minimisation des violences sexistes et sexuelles. C’est le combo gagnant de la domination masculine pour Michel Drucker. Et tout ça pour défendre ses « copains des sports »… Avec cette question, l’animateur met en doute le sérieux de l’enquête de Marie Portolano ainsi que la parole des dix-huit femmes qui ont témoigné, dans ce documentaire, des violences subies de la part de leurs confrères. Comment une séquence comme celle-ci peut-elle encore avoir lieu sur le service public, à un horaire massivement regardé ?

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