Des militants anti-IVG défilent à Paris deux jours après les 50 ans de la loi Veil. Les féministes s’en indignent. Pendant ce temps, Trump débarque à la Maison Blanche. Le droit à l’avortement menacé de toute part.
« Une marche pour la vie ». Dimanche 19 janvier 2025, des militants anti-avortement et des membres du mouvement « pro-vie » ont défilé dans le quartier du Trocadéro à Paris, seulement deux jours après la célébration des 50 ans de la loi Veil et de la dépénalisation de l’IVG en France.
Ils étaient quelques milliers. Parmi eux, beaucoup de jeunes hommes et de jeunes femmes. Sur leurs pancartes, on peut lire « IVG, ça suffit, nous marchons pour la vie ». Ces catholiques conservateurs se réunissent chaque année aux alentours de la date symbolique du 17 janvier. Un refrain annuel qui met un coup de projecteur sur la persistance de ces mouvements et des idées hostiles à l’IVG en France, alors même que la liberté d’avorter est désormais inscrite dans la Constitution.
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Pour les anti-IVG, « la loi Veil a causé de lourdes pertes humaines »
L’un des leaders de ce rassemblement est Nicolas Tardy-Joubert. Face aux militants anti-IVG présents ce dimanche, le président de la « Marche pour la vie », par ailleurs éditorialiste pour Valeurs Actuelles, lance : « L’avortement est la première cause de mortalité en France pour l’espèce humaine ». Une association qui a la peau dure, trop souvent relayée par les médias. Le 15 janvier 2025, sur BFM, dans une chronique sur la baisse du taux de natalité en France, l’éditorialiste économie Nicolas Doze présente l’avortement, dont le nombre est plus important en France que dans d’autres pays, comme la cause immédiate de cette baisse démographique. Un argument pas si éloigné de l’amalgame proposé par CNews en février 2024 où la chaine pointait du doigt l’avortement comme première cause de mortalité dans le monde… Lire : « IVG : CNews en fait une cause de mortalité, puis Laurence Ferrari présente ses excuses«
Nicolas Tardy-Joubert insiste : « Cette année 2025 est très spéciale. Il y a 50 ans, la loi Veil qui dépénalisait l’avortement a été promulguée. Cette loi a causé de lourdes pertes humaines et entraîné la mort et l’exclusion de plus de 10 millions de bébés de la société française », suivi d’une minute de silence.
Les revendications du mouvement « pro-vie » ? À l’occasion de cette marche, les organisateurs ont insisté sur l’instauration d’une échographie obligatoire dès la sixième semaine de grossesse, qui permettrait d’« entendre battre le cœur du fœtus ». Ils renouvellent également leur souhait d’un délai de réflexion obligatoire de trois jours la pratique de l’IVG et encouragent l’accouchement sous X. Ces militants défendent aussi « le droit absolu à l’objection de conscience des personnels de santé et protéger la clause de conscience spécifique. »
Résistances féministes
Alors que les anti-IVG s’affichent dans l’espace public, les féministes ne se font pas oublier. Avant le départ du cortège, quatre militantes de l’organisation féministe #NousToutes font irruption. Vêtues de capes rouges et de coiffes blanches, qui rappellent l’univers dystopique de La Servante écarlate de la romancière Margaret Atwood où les femmes sont réduites à être des esclaves sexuelles, ces militantes scandent : « Mon corps, mon choix ». Leur banderole est rapidement arrachée et les militantes sont encerclées par la sécurité engagée par les organisateurs puis les CRS. Elles sont ensuite cachées par des couvertures de survie. Une manière d’occulter leur parole et leurs revendications.
Une fois le cortège lancé, une autre femme se poste, déterminée, à son balcon et brandit deux pancartes sur lesquelles on peut lire : « Pour l’IVG » et « Mon corps, mon choix ». Une vidéo capturée par le journaliste Luc Auffret et diffusée sur X montre qu’elle est ensuite huée par les militants qui défilent. Des actes de résistances féministes nécessaires. L’occasion de rappeler qu’une femme meurt toutes les 9 minutes des suites d’un avortement clandestin dans les pays où l’IVG est interdite.
Trump et sa politique anti-avortement de retour à la Maison Blanche
Outre la date anniversaire de la loi Veil, ce rassemblement anti-IVG survient la veille de l’investiture de Donald Trump le 20 janvier 2025. Ce dernier a mainte fois manifesté son hostilité à l’avortement. Lors de son premier mandat (2017-2021), il avait nommé trois juges conservateurs à la Cour suprême. Résultat : en 2022, l’arrêt Roe v. Wade, qui garantissait l’accès à l’avortement sur l’ensemble du territoire depuis 1973, est abrogé. Depuis, l’IVG est interdite dans une dizaine d’Etats, d’autres ont restreint le délai légal et dans le Wyoming, où la pilule abortive est proscrite depuis 2023, l’Ohio ou encore le Montana l’accès à l’IVG est fortement réduit et menacé.
Le second mandat de Donald Trump ne présage rien de bon. Première menace : un retour de la « Global Gag Rule », autrement connue comme la « règle du bâillon mondial ». Instaurée pour la première fois en 1984 par le président républicain Ronald Reagan, cette mesure interdit aux associations et organisations internationales défendant les droits des femmes financées par des fonds américains de fournir des informations ou de faciliter un accès à l’avortement, peu importe leur zone d’intervention. Cette mesure complique aussi l’accès à la contraception et aux dépistages des différentes formes de cancers.
Les administrations républicaines et démocrates se renvoient la balle à chaque mandat. En 2009, Barack Obama avait annulé la Global Gag Rule. En 2017, Donald Trump l’a rétablie seulement quatre jours après le début de son mandat. Joe Biden l’avait à son tour supprimée en 2021. Qu’en sera-t-il pour 2025 ? « Nous pensons qu’il s’agira d’une politique de la première semaine, voire du premier jour », a déclaré Caitlin Horrigan, directrice principale du plaidoyer mondial à la Planned Parenthood Federation of America (Fédération américaine pour la planification familiale), citée par le journal politique américain The Hill.
Si Trump ne s’est pas officiellement prononcé, son choix d’administration parle pour lui. Le 47e président des États-Unis s’est entouré de personnalités frontalement opposées à l’avortement. Parmi eux : Elon Musk, nommé au ministère de l’efficacité gouvernementale. En 2022, le patron multimilliardaire de Tesla avait affirmé sur X que « l’effondrement de la population dû à un faible taux de natalité est un risque bien plus important pour la civilisation que le réchauffement climatique ». Ou encore Mike Johnson, élu à la tête de la Chambre des représentants, un ultra-religieux, anti-avortement et climatosceptique notoire. Un dernier, plus “modéré“ : J.D.Vance, désormais Vice-président des États-Unis. Ce dernier avait néanmoins assuré qu’il s’opposerait à une interdiction généralisée de l’avortement.
Des États-Unis à la France, les militants anti-avortement expriment sans réserve leur opposition à la liberté des femmes à disposer de leur corps. La seconde présidence Trump s’annonce hostile aux droits des femmes et des minorités. Pour en limiter les dégâts et son influence au delà des États-Unis, les initiatives féministes, comme celle de Ma voix, mon choix qui vise à faire progresser les droits reproductifs en Europe, se renforcent. Des deux côtés de l’Atlantique, les féministes restent mobilisées.
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