Chaque année, le nombre de violences sexuelles augmente dans les transports. Si la Miprof révèle que les victimes sont en majorité des femmes et que les agresseurs sont, pour la quasi totalité, des hommes, cette hausse semble être le résultat d’une libération de la parole et de l’écoute.

C’est un fléau : 3 374 victimes de violences sexuelles dans les transports en commun en 2024, dont une majorité de femmes. C’est le constat d’une nouvelle étude réalisée par l’Observatoire de la mission interministérielle pour la protection des femmes (Miprof).
Un espace public encore hostile aux femmes
Si la sphère intime est le premier lieu où les femmes sont victimes d’agressions, l’espace public leur reste hostile. Selon l’étude de la Miprof, les femmes sont les principales cibles de ces agressions : 91% des victimes enregistrées en 2024 sont des femmes, selon l’enquête du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) citée par l’observatoire. Parmi elles, 44 % des femmes ont été victimes en Ile-de-France. Dans le détails, l’observatoire relève que deux tiers des femmes victimes (75 %) ont moins de 30 ans et 36 % sont encore mineures. Plus largement, l’enquête ENOV, conduite pour la RATP, révèle que 7 femmes sur 10 ont déjà été victimes de violences sexistes et sexuelles dans les transports franciliens au cours de leur vie.
À l’inverse, 99% des personnes mises en cause sont des hommes. La Miprof cite l’enquête publiée en 2024 par l’association Disclose en collaboration avec Radio France qui rapporte qu’entre 2005 et 2024, 152 personnes ont été victimes de violences sexuelles commises par leur chauffeur dans les transports sanitaires, dans les bus et dans les cars scolaires. 67 % des victimes étaient mineures et 23 % étaient en situation de handicap. La Miprof révèle même qu’à la fin de son enquête, en février 2024, quatre chauffeurs condamnés pour violences sexuelles étaient toujours en activité.
Une hausse record
Le rapport insiste sur un nombre de victimes de violences sexuelles dans les transports en hausse : 6 % de plus qu’en 2023, 9 % de plus qu’en 2022 et jusqu’à 86 % de plus qu’en 2016. Hausse réelle des violences ou libération de la parole ? Tout comme les violences conjugales qui continuent d’augmenter chaque année, cette hausse est le reflet d’une libération progressive de la parole et de l’écoute, notamment depuis MeToo en 2017 qui a insufflé une prise de conscience collective de l’ampleur des violences sexistes et sexuelles.
Alors que ces agressions sont en augmentation constante ces dernières années, les différents réseaux de transport en commun commencent à mettre en place des mesures de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS). Quels résultats ?
Les mesures pour lutter contre les VSS
Depuis mars 2020, les personnes victimes de harcèlements et d’agressions peuvent avoir recours aux numéros d’assistance (31-17 et 31-177) et les bornes d’appel disposées sur les quais. Sandrine Charron, cheffe de projet du plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les transports à la RATP, insiste aussi sur la formation des agents sur le réseau francilien aux spécificités d’intervention liées aux violences sexuelles. « Depuis le 1er janvier 2021, les 5 300 agents et agentes des gares et stations ainsi que les 1 000 agents et agentes de sécurité sont formés, et le déploiement de cette formation auprès des 16 000 agents et agentes du réseau de surface est en cours. », détaille-t-elle.
Deux autres mesures phares ont récemment été mises en place. D’abord, la descente à la demande dans les autobus. Les utilisatrices et utilisateurs ont désormais la possibilité de faire arrêter les lignes de bus qui fonctionnent après 22 heures à un endroit souhaité entre deux arrêts. L’objectif ? « Donner la possibilité aux utilisatrices et utilisateurs de se rapprocher au plus près de leur domicile afin de renforcer leur sécurité », précise Célia Beaumond, coordinatrice des marches exploratoires et enquêtes au sein de la Mission sûreté et prévention chez Sytral Mobilités. Depuis la mise en place de ce service, les lignes de bus du réseau des Transports en Commun Lyonnais enregistrent plus de 2 000 descentes à la demande par an selon le rapport.
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Autre mesure : les « safe places ». En 2023, les trois premières « safe place » ont été ouvertes dans la station Auber sur le RER A à Paris. Il s’agit d’un magasin Relay, de la Fnac et du Monop’ où les employés ont été formés par Umay, une start-up qui vise à sécuriser les déplacements dans l’espace public. Depuis, 64 nouveaux lieux sûrs, situés sur le parcours du tramway T3b à Paris, ont été créés.
Ces dispositifs sont connus par une majorité d’utilisateurs et utilisatrices mais ils restent peu utilisés déplore la Miprof. 67% des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles dans les transports n’ont pas mobilisé ces dispositifs et n’ont engagé aucune action après une agression. Elles sont seulement 11% à avoir sollicité des agents de la RATP et 16% des policiers et gendarmes. Si les mesures gagnent à être davantage utilisées par les personnes victimes de VSS dans les transports en commun franciliens, l’investissement des différents réseaux pour la lutte contre les violences sexuelles témoignent d’une prise de conscience de la nécessité à repenser les espaces publics.
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