Le taux de féminisation du pouvoir est de seulement 28% indique le nouvel Index d’Oxfam France. Si les femmes ont acquis le droit de vote de haute lutte voici 80 ans, la bataille pour exercer réellement le pouvoir est loin d’être gagnée.
Il y a 80 ans, le 29 avril 1945, les femmes françaises ont voté pour la première fois à l’occasion des élections municipales. Ce droit leur avait été accordé par l’ordonnance du 21 avril 1944 du Gouvernement provisoire de la République française, dirigé par le général de Gaulle.
Les hommes, eux, pouvaient voter depuis près d’un siècle. Depuis que la Deuxième république avait rompu avec le suffrage censitaire et proclamé, le 5 mars 1848, l’avènement du « suffrage universel » concernant seulement les hommes. Pendant près d’un siècle, les gouvernants sont restés sourds aux revendications féministes portées par la journaliste et militante Hubertine Auclert dès les années 1870-1880. Puis par l’Union française pour le suffrage des femmes (UFSF), dans les 30 premières années du 20ème siècle. Les uns craignaient que les femmes, trop influencées par l’Église, votent conservateur. D’autres craignaient qu’elles votent comme leur mari ouvrier révolutionnaire. Les raisons de refuser ce droit aux femmes étaient teintées de préjugés sur une infériorité biologique, une incapacité naturelle des femmes qui seraient dominées par leurs émotions tandis que les hommes seraient la voix de la raison…
Taux de féminisation du pouvoir : 28 %
Depuis, les femmes votent mais elles n’exercent toujours pas le pouvoir en France. C’est ce que montrent les chiffres du premier index de la féminisation du pouvoir réalisé par l’ONG féministe Oxfam France, . Selon cet index intitulé « Pouvoir, nom masculin», le taux de féminisation du pouvoir en France est seulement de 28 %. « Autrement dit, les femmes représentent moins d’un tiers des plus hautes sphères du pouvoir en France » souligne le rapport. Et elles ne sont pas aux postes les plus hauts.
Commençons par le pouvoir exécutif : sous la Ve République, la France n’a jamais été présidée par une femme. Et sur les 26 Premiers ministres qui ont dirigé le gouvernement seulement deux étaient des femmes, soit 3,8 % du temps. Quelques mois à peine…
La parité recule à l’approche des plus hauts postes
Si la parité s’est progressivement imposée au sein des gouvernements, c’est souvent en trompe-l’oeil et par le bas. Le gouvernement Bayrou actuel est paritaire avec 18 femmes sur 36 ministres mais on compte 43 % de femmes pour les ministères de plein exercice (hors ministères délégués) et seulement 25 % pour les Ministres d’Etat. Et à la tête de Ministères régaliens (Premier ministre, Intérieur, Justice, des Armées, Europe, Affaires étrangères, finances) ? Aucune !
Les équipes qui composent les cabinets sont aussi très masculines. Le poste de secrétaire général de la présidence de la République n’a jamais été occupé par une femme. Actuellement, le cabinet du Président de la République est composé de 35% de femmes. Et les postes stratégiques tels directeur de cabinet ou conseiller diplomatique sont actuellement occupés par des hommes. Les cabinets ministériels du Gouvernement de François Bayrou sont à 80 % dirigés par des hommes.
Recul au Parlement
Côté Parlement, toujours pas de parité malgré la loi adoptée en 2000 imposant aux partis politiques de présenter autant de femmes que d’hommes dans certaines élections.
Depuis 2022, l’Assemblée nationale est présidée -pour la première fois !- par une femme : Yaël Braun-Pivet. Mais la parité n’a jamais été atteinte. La place des femmes députées a même régressé aux dernières élections de juin 2024. (Lire : Moins de femmes députées, lendemain d’élections amer pour la parité)
Aujourd’hui, on compte 36 % de femmes à l’Assemblée Nationale et 37,4 % au Sénat. Aucun groupe parlementaire n’est paritaire au Parlement et la grande majorité des commissions permanentes et des groupes politiques sont présidés par des hommes.
Maires : 20,8 % de femmes
Le pouvoir local n’est pas mieux : 20,8 % de femmes parmi les maires, 21,8 % parmi les président.es de départements et 29,4 % parmi les président.es de régions. Et leurs cabinets sont dirigés par des hommes : deux tiers des cabinets des principales villes de France et trois quarts des cabinets des président·es de départements et de régions sont dirigés par des hommes.
Les grands corps de l’Etat -préfectures ou ambassades- sont majoritairement dirigés par des hommes. Ls plus hautes juridictions sont toutes présidées par des hommes. Et les partis politiques qui structurent la vie publique française sont presque tous dirigés par des hommes.
Modes de scrutin et éga-conditionnalités
Bien-sûr, « à travers cet index, Oxfam appelle à un nouvel élan de la parité et de la féminisation du pouvoir.» L’ONG appelle à adopter « des modes de scrutin qui obligent la parité, comme c’est le cas pour les député·e·s français·es au Parlement Européen, des éga-conditionnalités pour les partis politiques et des sanctions plus lourdes pour ceux qui s’éloignent de la parité » Et elle rappelle qu’il faut certes davantage de femmes, mais surtout des « féministes ». Car toutes les femmes de défendent pas les droits des femmes…