Emprisonnées pour leurs reportages sur la jeune Iranienne, Masha Amini, morte pour un foulard « mal porté » et d’autres affaires, trois journalistes iraniennes sont récompensées par l’Unesco. Selon RSF, plus de 70 journalistes sont en prison en Iran.
« Niloofar Hamedi, Elaheh Mohammadi et Narges Mohammadi sont désignées lauréates du Prix mondial de la liberté de la presse UNESCO/Guillermo Cano 2023, sur recommandation d’un jury international de professionnels des médias » a annoncé l’Unesco en début de semaine.
Ce prix récompense chaque année « une personne, une organisation ou une institution ayant apporté une contribution exceptionnelle à la défense ou à la promotion de la liberté de la presse, où que ce soit dans le monde ».
Et cette année, c’est vers l’Iran que le prix s’est tourné. Les lauréates avaient rapporté des faits évoquant la mort en prison de Masha Amini, 22 ans, survenu le 16 septembre 2022 pendant sa garde à vue. La police iranienne avait arrêté et maltraité la jeune femme parce que son foulard était « mal porté ». Les journalistes qui enquêtent sur de tels faits sont souvent arrêtées et mis.es en prison.
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Niloofar Hamedi écrit pour le grand quotidien réformateur Shargh. Elle avait annoncé le décès de Masha Amini, et publié une terrible photo des parents de la jeune fille qui venaient d’apprendre la mort de leur enfant. Elle est en isolement dans la prison iranienne d’Evin depuis septembre 2022.
Elaheh Mohammadi écrit pour le journal réformateur Ham-Mihan. Elle couvre les « questions sociales et l’égalité des genres ». Elle avait été arrêtée quelques jours plus tard, après avoir fait un reportage sur les funérailles de Masha Amini dans sa ville natale, à Saqez, dans le Kurdistan iranien. Des funérailles accompagnées de manifestations.
Les deux journalistes avaient été jetées en prison « sans qu’aucun procès n’ait eu lieu » dénonce Reporters sans frontières (RSF), qui vient de publier un rapport sur la liberté de la presse. Il a fallu attendre le 26 avril, 7 mois après leur arrestation, pour que le pouvoir judiciaire iranien s’explique : elles seraient accusées de « collaboration avec les États-Unis », d’ « atteinte à la sécurité nationale » et de « propagande contre le système ». RSF dénonce « des accusations grotesques et exige la libération des journalistes »
« Niloofar Hamedi et Elaheh Mohammadi sont toutes deux lauréates du Prix international de la liberté de la presse 2023 décerné par les Journalistes canadiens pour la liberté d’expression (CJFE) et du Prix Louis M. Lyons 2023 pour la conscience et l’intégrité dans le journalisme décerné par Harvard. Elles figurent sur la liste des 100 personnes les plus influentes de 2023 du Time Magazine. » précise l’Unesco.
Narges Mohammadi, de son côté purge actuellement une peine de 16 ans d’emprisonnement à la prison d’Evin. Elle a travaillé pendant de nombreuses années pour différents journaux. Elle est également autrice et vice-directrice de Defenders of Human Rights Center (DHRC), une organisation de la société civile basée à Téhéran. Elle a continué à écrire des articles depuis sa cellule et interviewé d’autres femmes en détention. Ces entretiens ont été publiés dans son livre White Torture (Torture blanche). En 2022, elle a reçu le Prix du courage de Reporters sans frontières (RSF).
L’Iran, classé 177ème sur 180 pays étudiés dans le rapport de RSF, « a intensifié sa répression et arrêté plus de 70 journalistes dans les mois qui ont suivi la mort de la jeune kurde iranienne Mahsa Amini. » indique l’organisation de journalistes.
« Il est plus que jamais essentiel de rendre hommage à toutes les femmes journalistes à travers le monde qui sont empêchées d’exercer leur profession et font l’objet de menaces et d’attaques. Aujourd’hui, par ce Prix, nous mettons à l’honneur leur engagement en faveur de la vérité et de la transparence », a déclaré Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO.
Zainab Salbi, Présidente du jury international composé de professionnels des médias a renchéri : « Nous tenons à honorer le travail des courageuses journalistes iraniennes dont les reportages ont conduit à une révolution historique, menée par les femmes. Elles ont payé un lourd tribut pour leur engagement à révéler la vérité et à la diffuser ».