Pour plaire aux conservateurs, le président Turc a décidé de sortir du traité européen contre les violences faites aux femmes. Une Convention que la Turquie avait été la première à signer.
Dans la soirée du 19 mars, la Turquie est sortie de la « Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique » dite Convention d’Istanbul, par décret du président turc Recep Tayyip Erdogan. Dès le lendemain, des milliers de personnes ont manifesté dans les rues pour appeler le gouvernement à revenir sur cette décision, avec le mot d’ordre « Annule ta décision, applique le traité ! »
La Turquie se retire ainsi du traité international alors qu’elle était l’un des premiers pays à l’avoir signé. La Convention d’Istanbul avait été adoptée en 2011 par le Conseil de l’Europe pour prévenir les violences sexistes. Elle oblige les États signataires à adopter une législation qui réprime les violences domestiques et autres agressions tels que le viol conjugal et les mutilations génitales féminines. Elle est entrée en vigueur en 2014. (Lire : La Convention d’Istanbul entrera en vigueur le 1er août)
Selon la Secrétaire générale du Conseil de l’Europe, Marija Pejcinovic Buric, « la Convention d’Istanbul, qui couvre 34 pays européens, est largement considérée comme l’étalon-or des efforts internationaux visant à protéger les femmes et les filles de la violence à laquelle elles sont confrontées chaque jour dans nos sociétés ».
Il y a un an, le gouvernement turc avait déjà menacé d’en sortir sous la pression de groupes religieux et à des fins politiques et électorales. Le Parti de la justice et du développement (AKP), avait accusé le traité de nuire à la « structure de la famille turque ». Il prétendait que la convention était un encouragement à l’homosexualité et encourageait notamment au divorce.
Outre les nombreuses manifestations dans le pays, l’opposition politique s’est également fait entendre. Le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, l’un des principaux opposant d’Erdogan a déclaré sur son compte Twitter : « Il est très douloureux d’annoncer un départ de la #IstanbulConvention à minuit dans un pays où la violence à l’égard des femmes est signalée chaque jour. Il s’agit de mépris pour la lutte des femmes pendant des années. Quoi qu’il en soit, ce seront les femmes, et non la « raison masculine », qui gagneront. »
A l’international, le retrait de la Turquie à la Convention a largement été dénoncé. La Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe, Marija Pejčinović Burić a tweeté : « L’annonce par la #Turquie de son retrait de notre Convention sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes (Convention d’Istanbul) est un recul considérable, qui compromet la protection des femmes en Turquie, en Europe et au delà. »
En France, Elisabeth Moréno la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, s’est indignée : « Avec Jean-Yves Le Drian et Clément Beaune, nous déplorons la décision des autorités turques de sortir de la Convention d’Istanbul réprimant les violences faites aux femmes. Ce retrait est un recul considérable qui compromet la protection des femmes. » ( Jean-Yves Le Drian est minitre des Affaires étrangères et Clément Beanne Secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes)
Pour Martine Aubry, la maire de Lille : « Honteuse décision d’Erdogan, qui par décret présidentiel, quitte la Convention d’Istanbul réprimant la violence à l’égard des femmes & la violence domestique. En 2020, 300 femmes ont été assassinées dans le pays. Triste journée pour la protection des droits humains en Turquie. »
Face aux nombreuses réactions le gouvernement répond que la constitution et la réglementation intérieure de la Turquie seront les seuls garants de la protection des droits des femmes. Des droits bien faibles par rapport à ce que prévoit la convention d’Istanbul.
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