La santé mentale sera « grande cause nationale » 2025 a annoncé le Premier Ministre. Femmes et hommes ne sont pas touchés de la même façon mais, faute de données genrées, le diagnostic est incomplet.
Michel Barnier l’avait dit lors de sa première interview télévisée de Premier ministre, il l’a répété lors de sa déclaration de politique générale : il veut faire de la santé mentale la « grande cause nationale » de l’année 2025. C’est un des rares sujets qui ne déclenche pas de polémique.
13 millions de Français·es
Le Premier ministre affirme que « les crises successives, et notamment celle du Covid, » ont eu un impact important sur la santé mentale de beaucoup de Français, et que les troubles psychiques touchent un Français sur cinq, soit environ 13 millions de personnes. Et les jeunes sont particulièrement concernés : 40% des 18-24 ans présentent des symptômes dépressifs.
Mais, si le critère de l’âge est convoqué pour faire un état des lieux avant d’agir, celui du sexe ne l’est pas. Pourtant, il y a un fossé entre femmes et hommes face à la santé mentale.
Ce fossé se dessine en quelques chiffres de la quatrième édition du baromètre annuel « Les Français·es et leur bien-être mental » de la fondation AESIO réalisé avec l’IFOP, publiée le 30 septembre.
Le fossé entre femmes et hommes
L’enquête livre peu de données genrées. Mais ces données sont parlantes : chez les moins de 35 ans par exemple, 30% des femmes ont un état de santé mentale moyen voire mauvais, contre 12% des hommes… Plus du double ! Tous âges confondus, 26 % de femmes décrivent leur santé mentale comme « moyenne /mauvaise », contre 14% d’hommes.
Si 53% des Français·es déclarent avoir été en souffrance psychique au cours des 12 derniers mois, les femmes sont les plus atteintes. « Chez les personnes en souffrances, les femmes de moins de 35 ans sont, ici aussi, bien plus nombreuses que leurs pairs masculins (77% VS 46%) indique AESIO.
La violence détériore la santé mentale
Le lien entre violence subie et santé mentale détériorée est mis en évidence (sans données genrées) : « 1 Français·es sur 3 a été victime de violences au cours des 5 dernières années ; 34 % en subissent encore les conséquences sur leur santé mentale » écrit la fondation AESIO dans son communiqué. Les personnes ayant subi des formes violences au cours des 5 dernières années sont deux fois plus en mauvaise santé mentale que celles qui n’ont pas ce passif (34% contre 15%).
Ce lien semble être reconnu par les personnes interrogées : « 77 % des sondés estiment qu’à l’origine d’un mal-être mental, il y a souvent une situation de violence. »
La violence économique n’est pas oubliée. L’étude montreune corrélation entre précarité et dégradation de l’état mental. 31% des personnes à faible revenus estiment leur état mental « moyen / mauvais ». C’est le cas de seulement 8% des personnes ayant les revenus les plus hauts (presque quatre fois moins). Et les femmes sont plus nombreuses que les hommes parmi les précaires.
Charge mentale et conditions de travail atteignent la santé mentale des femmes
Selon Santé publique France, la souffrance psychique en lien avec le travail est deux fois plus élevée chez les femmes que chez les hommes : 6 % contre 3 %. 11 % des femmes salariées sont concernées par une maladie en lien avec le travail.
Une étude plus ancienne de la fondation AESIO faisait un lien entre charge mentale des femmes et souffrances psychologiques. (Lire : Le bien-être mental des femmes dégradé par « la charge mentale »)
En évoquant la santé mentale, Michel Barnier s’est inquiété de la jeunesse des personnes atteintes mais n’a pas évoqué leur genre. Le diagnostic risque d’être incomplet pour orienter l’action publique. Si la violence, qu’elle soit physique, économique ou psychologique, explique les atteintes à la santé mentale et général et celle des femmes en particulier, peut-être faut-il se pencher sur les sources de cette violence et les regarder en face .
Des données genrées permettraient de montrer que cette violence a pour origine une ambiance de domination masculine et une virilité toxique qu’il faudrait prendre en compte. Une donnée trop souvent ignorée des politiques publiques. Dans Le coût de la virilité, ce que la France économiserait si les hommes se comportaient comme les femmes, (A. Carrière ed), Lucile Peytavin a démontré que prendre en compte ce critère permettrait de faire des économies. (Lire : 12 propositions de Genre et statistiques pour en finir avec l’insécurité). Elle permettrait sans doute aussi d’améliorer la santé mentale des Français·es.
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