Les femmes leaders se rebellent constate une étude aux Etats-Unis. Victimes de microagressions, très performantes sur l’organisation du bien-être au travail, en plus du reste, elles manquent de reconnaissance et quittent leurs entreprises.
« Les femmes dirigeantes votent avec leurs pieds » affirme Alexis Krivkovich, associée chez McKinsey, dans un podcast de son groupe. L’an dernier, aux Etats-Unis, près d’une femme sur trois a plus ou moins songé à quitter son travail (ou, au moins, à mettre la pédale douce sur ses ambitions professionnelles) révélait le rapport Women in the Workplace, mené par le cabinet américain de conseil en stratégie McKinsey.
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Dans le Podcast de McKinsey, Alexis Krivkovich s’entretient avec deux consœurs; Lareina Yee, et Lucia Rahilly, à propos de cette étude qui révélait la « grande démission » des femmes. Et invite les employeurs à redoubler d’efforts en matière d’égalité entre les hommes et les femmes.
Les femmes dirigeantes changent d’emploi comme jamais auparavant, et bien plus fréquemment que les hommes dirigeants. Elles sont largement sous-représentées dans les postes de direction. Pendant des années, elles ont été moins nombreuses à gravir les échelons en raison de barrières invisibles dès les premiers échelons de la hiérarchie. Pour 100 hommes qui deviennent managers, on compte 87 femmes promues.
Les raisons pour lesquelles les femmes dirigeantes quittent leur entreprise sont multiples mais souvent mal analysées. Les femmes dirigeantes sont pourtant tout aussi ambitieuses que les hommes, mais dans de nombreuses entreprises, elles sont confrontées à des vents contraires.
Elles sont plus susceptibles d’être victimes de microagressions dévalorisantes, comme la remise en question de leurs avis, la non prise en compte de leurs idées ou le fait d’être infantilisées. Elles font plus d’efforts que les hommes pour le bien-être des employé·es et l’inclusion, mais ce travail, pourtant essentiel, n’est pas reconnu. Et les femmes dirigeantes veulent travailler pour des entreprises qui accordent la priorité à la flexibilité, au bien-être des employé·es, à la diversité, l’équité et l’inclusion.
« Si les entreprises n’agissent pas, elles risquent de perdre non seulement leurs dirigeantes actuelles, mais aussi la prochaine génération de dirigeantes. Les jeunes femmes sont encore plus ambitieuses et accordent une plus grande importance au fait de travailler dans un lieu de travail équitable, solidaire et inclusif. Elles voient les femmes plus âgées partir pour de meilleures opportunités et sont prêtes à faire de même » préviennent les consultantes.
Dans le podcast, Lareina Yee revient sur ces « microagressions qui conduisent les femmes à aller voir ailleurs : « 37 % des femmes dirigeantes ont vu un collègue s’attribuer le mérite de leur idée et les femmes sont deux fois plus susceptibles que les hommes d’être considérées comme moins expérimentées qu’elles le sont en réalité. »
Autre constat : les femmes sont plus susceptibles que leurs collègues masculins d’investir dans des efforts de diversité, d’équité et d’inclusion. Cet investissement est-il reconnu de manière significative – par exemple, dans les évaluations de performance ? » Pour Alexis Krivkovich, « La réponse est non. Dans la grande majorité des entreprises, la diversité, l’équité et l’inclusion font partie des objectifs généraux de l’entreprise. Mais seulement un quart des entreprises le reconnaissent formellement dans leurs évaluations de performance ».
Les femmes dirigeantes, qui travaillent pourtant beaucoup sur ces sujets à la demande de leur entreprise, sans en être récompensées, ont une sorte de discours sacrificiel, elles disent en substance: « C’est un projet passion. C’est une priorité. C’est une nécessité, car je vois tous ces jeunes talents diversifiés qui me regardent et attendent que j’utilise ma position pour changer la donne pour eux… » Elles s’y épuisent mais cela ne les aide pas à faire avancer leur carrière.
« Même si une entreprise a l’impression de promouvoir quelques femmes, il n’en reste pas moins que les femmes n’ont pas l’impression que l’environnement dans lequel elles travaillent leur permet de s’épanouir. » Alexis Krivkovich qui a mené de multiples entretiens pour cette enquête le dit : « Les femmes veulent un retour sur investissement pour leur loyauté et leurs efforts. »
Elles disent aussi souffrir aussi de la non reconnaissance d’un travail invisible qui a toujours été assigné aux femmes. Une « double charge » pèse sur les femmes : les responsabilités disproportionnées au sein du foyer se cumulent à leur responsabilité dans l’entreprise.
Et tout le travail émotionnel d’un bon leadership assumé par les femmes se trouve lui aussi invisibilisé. « Elles assument de manière disproportionnée les responsabilités en matière de diversité et d’inclusion. Elles supervisent davantage avec les employé·es le bien-être, la charge de travail, l’équilibre. Elles se montrent donc à la hauteur de ce que les entreprises attendent d’elles. Mais elles ne sont pas récompensées officiellement pour cela » note Alexis Krivkovich.
Ces femmes dirigeantes, quel que soit leur âge, demandent aussi de la flexibilité dans le travail sans que cette flexibilité soit perçue comme de la démotivation. En outre, « L’une des choses que nous avons constatées, curieusement, c’est que lorsque les femmes travaillaient à distance, certaines des microagressions diminuaient. » note Lareina Yee.
Les femmes affirment que la flexibilité est importante pour l’équilibre de vie mais cette demande de flexibilité, bien qu’elle soit de mieux en mieux acceptée par les entreprises, peut être un handicap pour des promotions futures. La plupart des entreprises restent engluées dans des paradoxes.
Souvent, les manageres qui sont excellentes dans leur travail en général sont également excellentes pour promouvoir l’équilibre de vie et les opportunités de manière égale au sein de leurs équipes et de tous les talents qui les composent. Mais la partie « humaine » de leur travail n’est ni soutenue par leur entreprise, ni valorisée, ni reconnue. Alors elles vont voir ailleurs.
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