Déplacement de population, insécurité alimentaire, instabilité économique… Les conséquences du dérèglement climatique ouvrent la porte aux violences sexistes.
Chaque degré supplémentaire de réchauffement planétaire pourrait s’accompagner d’une hausse de 4,7 % des violences conjugales. Un nouveau rapport de l’Initiative Spotlight des Nations Unies met en lumière un lien direct entre le changement climatique et la recrudescence des violences sexistes à travers le monde.
Les déplacements forcés, l’insécurité alimentaire et l’instabilité économique provoqués par les catastrophes climatiques créent un climat propice à la montée violences faites aux femmes et aux filles, en particulier dans les communautés déjà fragilisées.
« Pandémie de l’ombre »
Selon ce document, « sans mesures urgentes, le réchauffement planétaire pourrait être responsable d’un cas sur dix de violence conjugale d’ici la fin du siècle. »
Le rapport parle d’une « pandémie de l’ombre » pour évoquer les violences sexistes. « La violence sexiste est déjà une épidémie mondiale », souligne le rapport. «Plus d’un milliard de femmes, soit au moins une sur trois, ont subi des violences physiques, sexuelles ou psychologiques au cours de leur vie. » Et ces chiffres sont probablement sous-estimés, car seulement environ 7 % des survivantes portent plainte.
+ 28 % de féminicides pendant les vagues de chaleur
À mesure que les chocs climatiques deviennent plus fréquents et plus graves, le risque de violence s’accroît. Le rapport constate par exemple une augmentation de 28 % des féminicides pendant les vagues de chaleur. Parmi les autres conséquences : la hausse des taux de mariage d’enfants, de traite des êtres humains et d’exploitation sexuelle, en particulier à la suite de déplacements causés par les inondations, les sécheresses ou la désertification.
Dans une étude de l’Université de Cambridge publiée en 2022, des chercheurs avaient déjà établi un lien entre inondations et les mariages précoces au Bangladesh, les pics de mariages précoces ayant coïncidé avec les inondations de 1998 et 2004. Source de revenus pour la famille appauvrie qui donne sa fillette en mariage, les cérémonies sont aussi moins coûteuses après une catastrophe. (lire : Le dérèglement climatique augmente les violences sexistes)
« Multiplicateur de vulnérabilités »
À +2 °C, ce sont 40 millions de femmes et de filles de plus qui pourraient être victimes de violences conjugales chaque année d’ici 2090. Un chiffre qui double si la hausse atteint 3,5 °C. L’Afrique subsaharienne serait l’une des régions les plus touchées.
La crise climatique agit en effet comme un « multiplicateur de vulnérabilités » explique le rapport. Les femmes vivant dans la pauvreté, les petites agricultrices, les habitantes de quartiers informels, mais aussi les femmes autochtones, âgées, handicapées ou LGBTQ+, se retrouvent en première ligne face aux catastrophes climatiques, avec un accès limité aux services de protection ou de santé.
Les défenseures des Droits humains exposées
Et ce n’est pas tout ! Les femmes défenseures des droits humains environnementaux sont particulièrement exposées souligne le rapport. « Nombre d’entre elles sont victimes de harcèlement, de diffamation, d’agressions physiques, voire pire, pour avoir dénoncé l’utilisation destructrice des terres ou les industries extractives. Au Guatemala, des femmes qui avaient dénoncé l’exploitation forestière illégale ont été expulsées de force et leurs maisons ont été incendiées. Aux Philippines, celles qui s’opposaient aux opérations minières ont été victimes d’enlèvements et de violences meurtrières. »
Faire du sujet une priorité
Les efforts ne sont clairement pas au rendez-vous pour endiguer le fléau. « Seulement 0,04 % de l’aide au développement liée au climat est principalement axée sur l’égalité des sexes » note le rapport.
L’Initiative Spotlight des Nations Unies invitent à prendre exemple sur des pays comme Haïti, Vanuatu, le Libéria et le Mozambique pour « concevoir des programmes pour lutter simultanément contre la violence et renforcer la résilience climatique. » Les interventions en cas de catastrophe doivent comprendre des services de lutte contre les violences basées sur le genre et « soutenir les cliniques mobiles dans les zones sinistrées. » L’action climatique « doit privilégier la sécurité, l’équité et le leadership des femmes et des filles. » préconise une nouvelle fois le rapport.
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