Petites actions éparpillées, absence de pilotage, investissements en trompe-l’oeil, contradictions… La Cour des comptes accable la politique d’égalité du gouvernement. Mais fait des propositions potentiellement contre-productives.
« La hausse en trompe l’œil des moyens consacrés à cette politique n’a pas compensé les défaillances du pilotage interministériel» cette phrase assassine tombe au milieu de la synthèse du rapport de la Cour des comptes intitulé : « Les inégalités entre les femmes et les hommes, de l’école au marché du travail » Ce n’est pas la première fois que les magistrats financiers reprochent au gouvernement de brasser du vent sur l’égalité femmes hommes.
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Cette fois-ci, leur rapport s’apesantit sur la question de l’égalité professionnelle. Les faits sont accablants depuis très longtemps : « Plus diplômées que les hommes, les femmes n’accèdent pourtant pas aux postes et aux métiers les mieux considérés et les plus rémunérateurs.» Et depuis qu’Emmanuel Macron a fait de l’égalité femmes-hommes la grande cause de ses deux quinquennats, la situation ne s’est pas vraiment améliorée.
« Pilotage interministériel défaillant«
Les inégalités «se résorbent trop lentement», déplore la Cour des comptes notamment du fait «d’un portage politique en trompe-l’œil et d’un pilotage interministériel défaillant». Même si des moyens ont été alloués pour financer les actions en faveur de l’égalité, leurs effets restent invisibles. « Le périmètre des dépenses est incertain et le pilotage budgétaire dispersé», Il s’agirait «d’une augmentation en trompe-l’œil qui résulte d’une volonté d’affichage».
Les fonds européens mobilisés ? Pas mieux ! Les investissements sont faits «de manière parfois décollée de la réalité des besoins des territoires » assène la Cour des comptes
Contradictions dans l’enseignement
Dans l’enseignement scolaire et universitaire, « le foisonnement d’actions ne constitue pas une politique publique ». Selon l’institution présidée par Pierre Moscovici, l’égalité entre les filles et les garçons est « partout et nulle part », or elle « nécessite un portage politique plus fort ». Et de la cohérence… Rappelons par exemple la réforme des lycées de Jean-Michel Blanquer, qui allait à contre-courant d’une politique d’égalité.
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Depuis 2018, les établissements scolaires doivent compter un ou plusieurs référents égalité filles-garçons. Or, en 2020 seuls 53 % disaient en avoir. La Cour des comptes préconise de renouveler la convention interministérielle dans le système éducatif 2019-2024 et d’en réunir le comité de pilotage une fois par an.
Index de l’égalité inopérant
Le rapport étrille aussi « l’index de l’égalité professionnelle » adopté en 2018 qui ne concerne « qu’une faible part des salariés, tend à invisibiliser les inégalités réelles entre femmes et hommes, et ne s’accompagne pas toujours de pratiques plus vertueuses en matière d’égalité professionnelle. » Pire ! Les entreprises le prennent pour un passeport pour ne rien faire.
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Et elles se montrent peu empressées d’appliquer les lois sur les quotas.
Agir, évaluer sérieusement ?
Pour prendre la question de l’égalité femmes-hommes un peu plus au sérieux, la cour des comptes préconise de faire de l’Institut national de la statistique (Insee) le «coordinateur des statistiques genrées» et d’inscrire la question de l’égalité entre les femmes et les hommes au «rang de priorité» du Comité national de l’information statistique.
Mais cet appel à davantage de cohérence dans la politique d’égalité est contredit par une autre recommandation récente de la Cour des comptes préconisant d’allonger le congé de maternité pour résoudre le problème d’accueil de la petite enfance. Une mesure qui renforcerait les inégalités professionnelles si elle n’était pas accompagnée d’autres dispositifs condernant la parentalité et le travail.
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