La requête demandant l’abrogation de la pénalisation des clients a été déclarée recevable par la CEDH qui précise qu’une telle décision « ne préjuge pas du bien-fondé des requêtes ». Les associations de défense des personnes prostituées réagissent.
Le 6 décembre 2019, une requête contre la loi du 13 avril 2016 « visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées » avait été déposée auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), par des personnes se définissant comme « travailleur.ses du sexe ». Un terme contesté dans un pays signataire de la « Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui » de 1949. Cette convention ne permet pas de reconnaître la prostitution comme un travail.
Ce jeudi 31 août, la CEDH a déclaré recevable la requête tout en précisant que cette décision de recevabilité « ne préjuge pas du bien-fondé des requêtes ».
Les requérant.es «dénoncent l’incrimination de l’achat de relations de nature sexuelle, même entre adultes consentants » parce que cela « pousse les personnes prostituées à la clandestinité et à l’isolement, les expose à des risques accrus pour leur intégrité physique et leur vie et affecte leur liberté de définir les modalités de leur vie privée.» Ils soutiennent que « la loi de 2016 viole les articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. »
Sur les réseaux sociaux, ces requérant.es et les associations qui les soutiennent crient victoire. Et persistent à rendre cette loi responsable des violences subies par les personnes prostituées, contraintes selon eux de se cacher pour exercer leur activité. Ils jettent ainsi un voile sur la violence des clients qui agressent les prostituées.
En 2019, une requête analogue avait été rejetée par le Conseil d’Etat qui avait estimé que « dans leur très grande majorité, des personnes qui se livrent à la prostitution sont victimes du proxénétisme et de la traite des êtres humains qui sont rendus possible par l’existence d’une telle demande. » Et que « les finalités d’intérêt général » poursuivies par la loi ne peuvent être « considérées comme une ingérence excessive dans l’exercice du droit au respect de la vie privée ».
Les associations et responsables politiques qui se sont battu.es pour cette loi sont dépitées. Le Mouvement du nid a fait réagir plusieurs responsables sur son site et rappelle que la loi fonctionne et protège réellement les personnes prostituées quand elle est appliquée.
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En Allemagne, une enquête récente analysait les conséquences désastreuses de la légalisation de la prostitution dans ce pays. Traite d’êtres humains, esclavage, violence, MST, blessures des personnes prostituées, offre d’actes violents proposées aux clients par les maisons closes… Sur des jeunes filles souvent mineures. Et le Parlement européen adoptait un rapport préconisant l’abolition du système.
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Osez le féminisme ! alerte dans un communiqué demandant si la CEDH va « abandonner les dizaines de milliers personnes prostituées pour qui la pénalisation des clients est une avancée considérable »
L’association l’écrit clairement : « A travers ce recours à la CEDH, ce n’est pas l’intérêt des personnes prostituées qui est poursuivi, mais bien l’intérêt des clients et des proxénètes, seuls victorieux en cas de succès de ce recours. »
« Nous demandons à la CEDH de s’attacher à la matérialité des faits : c’est la prostitution qui est une violence. Pas la loi. » écrit l’association.
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