Ni écolo, ni féministe, le clin d’œil d’Emmanuel Macron convoque un imaginaire empreint d’une virilité qui ne sert ni l’écologie ni la grande cause.
« Ce qui est très important pour nous, Français, c’est qu’on est attaché à la bagnole. On aime la bagnole. Et moi je l’adore. » Que cherchait le président de la République, dimanche 24 septembre, lors de son interview sur TF1 et France 2 ? Emmanuel Macron voulait-il se rapprocher du peuple avec une sorte de discours à la Michel Audiard ? Cherchait-il à plonger les téléspectateurs dans la nostalgie des trente glorieuses avec des bandes d’hommes faisant des virés en bagnole, possédant des bagnoles rutilantes pour séduire des jeunes filles ou des papas conduisant la famille en vacances ? Voulait-il faire un clin d’œil appuyé à ceux qui se dressent contre « l’écologie punitive » ? Sans doute tout cela à la fois.
A la veille de la présentation de mesures du Conseil de planification écologique, le président de la République s’est offert une sortie de route. Officiellement, il ne remet pas en question l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55% à l’horizon 2030. Mais… Justement, il n’y a pas eu de « mais » après « j’adore la bagnole ».
Pourtant, comme l’a dit Jean Jouzel, paléoclimatologue et ancien membre du Giec, sur France Info le lendemain de l’interview présidentielle, « l’idée, c’est quand même de se désintoxiquer de la bagnole. Il faut aller vers des mobilités douces, des transports en commun. Il faut encourager à rouler moins vite, imposer des limitations de vitesse à 110 km/h, rappeler que plus les voitures sont lourdes, pus elles consomment. Il y a aussi des choses simples que le président aurait pu dire. »
Mais il ne les a pas dites. En revanche, il a activé tout un imaginaire à l’opposé de la sobriété indispensable face au dérèglement climatique. Le site Terrestres a ressorti un texte du philosophe André Gorz intitulé « L’idéologie sociale de la bagnole » paru dans « le Sauvage » en 1973 qui décortique le système de dépendance à la bagnole. « La vérité, c’est que personne n’a vraiment le choix : on n’est pas libre d’avoir une bagnole ou non parce que l’univers suburbain est agencé en fonction d’elle – et même, de plus en plus, l’univers urbain. C’est pourquoi la solution révolutionnaire idéale, qui consiste à supprimer la bagnole au profit de la bicyclette, du tramway, du bus et du taxi sans chauffeur, n’est même plus applicable dans les cités autoroutières […] L’alternative à la bagnole ne peut être que globale. »
Avec son air faussement candide, quand il dit « j’aime la bagnole », Emmanuel Macron ne se montre pas prêt à changer de système. Pourtant la voiture individuelle est la première source de gaz à effet de serre en France et elle le reste en raison notamment de la hausse des achats de SUV. Il aurait pu convoquer un autre imaginaire et s’engager à « faire aimer le train » comme le disait une publicité de la SNCF.
Quant au volet anti-écoféministe du propos, la « bagnole » réactive l’imaginaire d’un temps où la virilité était associée à la possession d’une voiture puissante (et donc fortement émettrice de gaz à effet de serre). Dans les années 90 une publicité pour voiture disait carrément, « Il a l’argent, il a le pouvoir, il a une Audi… Il aura la femme »… Ce mythe de l’homme qui exprime sa virilité en disant qu’il aime les bons vins, les bons cigares, les belles bagnoles, la viande et les belles femmes (le tout sur un même plan) est tenace.
Et les hommes politiques aiment bien le réactiver. Fabien Roussel, le leader du Parti communiste et d’autres s’en donnent à cœur joie en faisant l’apologie de la viande, surfant sur la vague de haine qui a déferlé contre Sandrine Rousseau quand la députée verte a affirmé que l’association barbecue/virilité n’était pas la meilleure idée pour préserver la planète (lire : ILS DÉFENDENT (MAL) LEUR STEAK FACE À SANDRINE ROUSSEAU )
Les mythes de virilité sont sans cesse réactivés. Emmanuel Macron en juin dernier se mettait en scène descendant cul-sec une bouteille de bière au milieu de supporters sportifs après avoir rencontré des leaders antiféministes. (Lire : UNE BIÈRE « CUL SEC », MBS, MUSK : QUAND LE PRÉSIDENT OUBLIE SA GRANDE CAUSE)
Quand on lui reproche de soutenir des ministres accusés de harcèlement sexuel, il affirme leur parler « d’homme à homme » (Lire : MACRON ET DARMANIN « D’HOMME À HOMME » : MESSAGE FÉMINISTE)
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