Habituellement absentes des écrans, les actrices de plus de 50 ans ont brillé lors des Golden Globes. Le signe d’un tournant dans la représentation des femmes au cinéma ? Rien n’est moins sûr… Une étude laisse penser que le chemin à parcourir est encore long.
« Ça fait longtemps que je fais ce métier, plus de 45 ans, et c’est la première fois que je gagne quoi que ce soit en tant qu’actrice », confie avec émotions Demi Moore lors de la cérémonie des Golden Globes organisée le 5 janvier. Alors que l’actrice de 62 ans a reçu ce premier prix, son discours de remerciement laisse entrevoir une carrière à subir et combattre les injonctions, notamment physiques, pesant sur les femmes dans le cinéma. Déconsidérées par de nombreux réalisateurs, assignées à des rôles de moins en moins complexes, tombant toujours un peu plus dans une vision stéréotypée des femmes de plus de 50 ans, ces actrices prennent enfin leur revanche et raflent une grande partie des Golden Globes 2025.
Elles tiennent le haut de l’affiche
Demi Moore, Jodie Foster, Fernanda Torres, Jean Smart… Les lauréates des Golden Globes ont en commun d’avoir dépassé la cinquantaine. Détail anodin ? Loin de là. À mesure qu’elles prennent de l’âge, les actrices disparaissent des écrans. Cette année, une multitude de films prennent à contre-pied le sexisme teinté d’âgisme ancré dans l’industrie du cinéma et dépeignent ces femmes de plus de 50 ans dans toute leur complexité.
Dans The Substance de Coralie Fargeat, film de “body-horror”, Demi Moore incarne une ancienne star de cinéma reconvertie dans le fitness. Virée par son producteur pour n’être plus aussi pimpante (jeune) qu’à ses debuts, le personnage est prêt à tout pour devenir « la meilleure version d’elle-même ». Traduction : redevenir jeune. Mise en abyme pour Demi Moore qui fut elle-même enfermée dans la case du “sex symbol” dans sa jeunesse et qui a vu les rôles se raréfier, manquer de couleurs et de complexité, à mesure qu’elle vieillissait. Ou encore la série Hacks dans laquelle Jean Smart incarne une humoriste de Las Vegas sur le déclin, à qui on préfère la nouvelle génération mais qui ne se laisse pas faire.
Le ras-le-bol des rôles clichés ou fades monte chez les actrices de 50 ans. Déjà lors de la cérémonie des Oscars en 2023, Michelle Yeoh, sacrée meilleure actrice à 62 ans pour son rôle dans Everything, Everywhere all at Once, interpellait ses consœurs : « Mesdames, ne laissez personne vous dire que vous n’êtes plus dans la fleur de l’âge ».
Cette nouvelle vague de films amorce une véritable révolution en élargissant la palette de ces personnages, loin des stéréotypes qui leur collent habituellement à la peau. De quoi repenser nos imaginaires collectifs.
Sexisme et âgisme
Malgré ce coup de projecteur, l’industrie du cinéma s’est-elle véritablement libérée d’une vision étroite des femmes de plus de 50 ans ? L’étude annuelle “L’AAFA-Tunnel de la Comédienne de 50 ans” publiée par l’association AAFA (Actrices & Acteurs de France Associés) laisse penser le contraire. Sur l’ensemble des films français sortis en 2023, seuls 9 % des rôles ont été attribués à des comédiennes de plus de 50 ans. Une proportion qui stagne depuis dix ans puisqu’en 2015, elle était de 8 %. L’étude observe même que, tous âges confondus, les femmes sont moins présentes à l’écran que les hommes (39 % des rôles versus 61 %). Double peine : passé la cinquantaine, elles ont 2 fois moins de rôles comparé aux hommes du même âge.
« Les fictions, au-delà d’être des objets artistiques, véhiculent des normes, transmettent des valeurs, proposent des modèles qui influencent notre perception du monde et construisent notre inconscient collectif », estime l’AAFA. L’entrecroisement du sexisme et de l’âgisme produit un manque de représentations de ces femmes, et participe à les invisibiliser, elles et toutes les problématiques qui leurs sont propres, au sein même de la société alors même qu’elles représentent 1 femme majeure sur 2 (Insee).
La cérémonie des Golden Globes changera-t-elle la donne ? Après MeToo en 2017, ça ne serait pas la première fois que les actrices hollywoodiennes déclenchent une révolution culturelle massive.
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