L’égalité femmes-hommes a-t-elle fait plus de pas en avant que de pas en arrière durant nos vacances ? Bruits et chuchotements de l’info. Notre revue de presse commence par les chuchotements.
Chuchotements
Marie Trintignant : 20 ans après, le réveil de quelques consciences. Comme chaque année, le réseau « Encore féministes ! » a organisé fin juillet un moment de recueillement autour de la tombe de Marie Trintignant tuée le premier août 2003 par l’homme qui prétendait l’aimer. Les médias parlaient alors de « crime passionnel » et se livraient à des élucubrations sur la responsabilité de l’actrice dans la violence de celui qui l’avait tuée. « On a entendu que Marie était hystérique, qu’elle avait bu, qu’elle l’avait poussé à bout en le rendant jaloux. Je vomis ce patriarcat rance qui tue la moitié de l’humanité » dit Lio dans un entretien poignant publié dans Libération, un journal qui a longtemps crié avec loups voulant séparer l’homme de l’artiste. Aujourd’hui l’écrivaine féministe Florence Montreynaud fait observer que, si le mot « féminicide » est entré dans le vocabulaire, si « les médias trouvent moins d’excuses aux meurtriers », le nombre annuel de ces meurtres est resté à peu près stable.
Economie. France Inter nous apprenait le 22 juillet que le géant de la communication, Publicis avait été condamné, à verser à une salariée licenciée près de 500.000 euros pour discrimination en raison de ses grossesses successives.
Education. A deux semaines de la rentrée scolaire, les filles se disent « moins confiantes » et « moins sereines » que les garçons révèle une étude reprise dans Les Echos. A niveau de maîtrise de leur sujet équivalent, les filles ont, moins que les garçons le sentiment de réussir. Même dans les disciplines littéraires où elles sont supposées être meilleures, elles affichent un déficit de confiance. L’écart est encore plus flagrant en mathématiques. Ce qui a des conséquences sur leur orientation.
Santé. « Lors des canicules, les femmes ont plus de risque de mourir que les hommes ». Au moment du pic de canicule cet été, Libération s’est repenché sur des études montrant la plus forte dangerosité de ces épisodes pour les femmes, en particulier les plus de 65 ans. Leur cœur serait plus vulnérable. La cause est toujours la même : les recherches en médecine se font à partir d’un individu de sexe masculin. (lire aussi : Le coeur des femmes moins bien soigné que celui des hommes)
Rencontre-ados sévit toujours. Le 24 août, l’application « Rencontre Ados » ( qui se présente comme « un site de rencontres gratuit pour les jeunes de 13 à 25 ans ») a disparu du Google Play Store, seul magasin d’application où elle était disponible. Un retrait suite à une polémique et plusieurs expériences de création de faux profils d’adolescentes… immédiatement contactées par des prédateurs sexuels. L’affaire a fait grand bruit mais, s’il n’est plus accessible via une appli, le réseau existe toujours comme expliqué par BFMTV et aucune loi, aucun dispositif de prévention ne semble capable d’empêcher ses dérives comme le montre FranceInfo
Afghanistan : l’ONU appelle au retour des filles à l’école. Selon les chiffres de l’ONU, plus d’un million de jeunes femmes afghanes n’ont pas accès à l’enseignement secondaire et universitaire depuis que les talibans ont repris le pouvoir il y a deux ans, au mois d’août. Le Fonds mondial des Nations unies pour l’Education dans les situations d’urgence et de crise, lance la campagne « Education Cannot Wait » (ECW), « L’éducation ne peut pas attendre »), #AfghanGirlsVoices, un appel mondial au droit à l’éducation de toutes les filles et femmes afghanes. L’envoyé spécial de l’ONU pour l’Education, l’ancien Premier ministre travailliste britannique Gordon Brown, s’est engagé à se « battre contre la violation la plus odieuse et la plus indéfendable dans le monde des droits des filles et des femmes ». Lors d’un point de presse il a de nouveau réclamé des poursuites pour « crime contre l’humanité » devant la Cour pénale internationale pour « discrimination de genre » en Afghanistan. Les talibans ont interdit aux filles l’enseignement secondaire dès leur prise de pouvoir, puis l’université un an plus tard, avant d’interdire aux femmes de travailler dans nombreux secteurs.
Bruits
Sport. La Coupe du monde féminine de football a finalement bénéficié d’une couverture médiatique exceptionnelle. Exceptionnelle mais toujours incomparable à celle du football masculin (lire : Abyssales inégalités). Une étude de la plateforme de veille Tagaday citée par Marie-Claire a compté les écarts. Les médias ont parlé six fois moins des femmes que des hommes pendant l’événement sportif et dans les trois mois qui le précédaient. Et pendant la Coupe du monde féminine, Kylian Mbappé a été 2,5 fois plus cité dans les médias que l’ensemble des 23 Bleues réunies, avec 94 797 citations contre 40 250.
En revanche, le « baiser forcé » -une agression sexuelle, ni plus ni moins explique Télérama – qui a gâché la victoire des Espagnoles, a fait couler beaucoup d’encre (et continue !). Depuis que président de la Fédération espagnole de foot, Luis Rubiales, a embrassé l’attaquante Jenni Hermoso sur la bouche sans qu’il n’y ait de relation intime entre eux, l’affaire a connu moult rebondissements décrits dans cet article d’Euronews. Les atermoiements autour de cette affaire en disent long sur le sexisme ambiant. L’agresseur refuse de démissionner et il est soutenu par quelques dirigeants du foot. En revanche le premier réflexe des joueuses a été de vouloir partir en guise de protestation… encore double peine pour les femmes.
Cinéma. Le film Barbie a défrayé la chronique et fait un carton dans les salles. A-t-il fait avancer le féminisme ? Les débats n’en finissent pas autour de ce film produit par Mattel, la firme qui vend la poupée Barbie avec son lot de stéréotypes sexistes et vire soudain féministe sans faire un réel mea culpa.
Côtés réjouissants : le film dérange les antiféministes. Il a été retiré des salles en Algérie « pour atteinte morale » a écrit 20minutes. Barbie change la vie de certaines femmes. Sur les réseaux sociaux, beaucoup racontent avoir rompu avec leur partenaire après avoir vu le film, déçues que leurs compagnons ne comprennent pas le message féministe raconte le HuffingtonPost.
Mais… si le film est porteur de nombreux messages féministes, il passe à côté des questions de la sexualité et de la violence qui sont au cœur de la domination masculine expliquent notamment la militante féministe Marie-Jo Bonnet et le critique Laurent Delmas au micro de France Inter. C’est «un féminisme qui rassure mon vieil oncle réac » dit la journaliste Camille Emmanuelle dans Télérama.
Dans Le genre & l’écran, Geneviève Sellier y voit « Une opération commerciale de blanchiment féministe »
Ce n’est que tout petit échantillon de réactions…