Alerte ! En mettant un terme à la vérification des faits sur ses réseaux sociaux, Mark Zuckerberg ouvre un boulevard à ceux qui crient le plus fort à coup de fausses informations. La fenêtre d’expression du féminisme pourrait bien se refermer.
Mark Zuckerberg, le fondateur et patron de Meta, c’est-à-dire Facebook, Instagram, Threads, ou WhatsApp, a annoncé, mardi 7 janvier, le retour des sujets politiques sur ses plateformes et la suppression du « fact-checking » (vérification de faits) sur ses réseaux pour « les remplacer par des notes communautaires similaires à X ». Il se flatte de le faire au nom « de la liberté d’expression.»
Et ce n’est pas tout. Pour en finir avec sa politique de modération, en particulier sur des sujets qui irritent l’extrême droite, Facebook va « mettre fin à un certain nombre de limites concernant des sujets, tels que l’immigration et le genre, qui ne sont plus dans les discours dominants ».
Davantage de visibilité pour les fausses informations
« Discours dominants » qui ont changé depuis l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis. D’ailleurs Mark Zuckerberg, comme d’autres mastodontes d’Internet, fait allégeance au nouveau président. Meta a fait un don d’un million de dollars au fonds finançant les cérémonies d’investiture de Donald Trump en janvier, comme d’autres milliardaires de la tech qui comptent notamment sur le président Etats-unien pour les aider à contourner les règles et la fiscalité en Europe.
En 2021, pourtant, quand Facebook modérait ses contenus, le compte de Donald Trump avait été suspendu après l’attaque du Capitole, et la plateforme avait limité les contenus politiques. Mais Mark Zuckerberg a retourné sa veste. Il tourne le dos à la Californie, plutôt progressiste et démocrate pour installer ses équipes de modération au Texas, bastion conservateur et républicain (l’avortement y est interdit).
Il a déclaré qu’il « travaillerait avec le président Trump pour s’opposer à ce que des gouvernements étrangers s’en prennent à des entreprises américaines pour les censurer davantage ». Et Meta a nommé à la tête de ses équipes des proches du nouveau président. Si les décisions concernant la modération ne concernent que les Etats-Unis, l’ambition du patron de Meta semble illimitée. Dans son message vidéo publié mardi, il accuse l’Union européenne d’avoir « institutionnalisé la censure ». Les quelques 3,3 milliards d’utilisateurs actif que comptent ses plateformes dans le monde vont donc être sur-exposés à des vagues de désinformation massives.
Confusion entre liberté d’expression et mensonge ou insulte
Cette nouvelle est d’autant plus inquiétante pour la démocratie que les autres patrons de grands réseaux sociaux sont au diapason. Ils parlent de « censure » quand les vérificateurs de faits dénoncent de la « désinformation ». Ils confondent « liberté d’expression » et mensonge ou insulte. A commencer par Elon Musk, le patron de X, et ses « notes communautaires » replaçant les modérateurs, qui font chaque jour la preuve de leur inefficacité voire de leur nocivité.
Aujourd’hui, le programme de fact-checking de Facebook, rémunère plus de 80 médias à travers le monde, dont l’AFP, pour utiliser leurs « fact-checks » et reléguer les contenus considérés comme « faux » au bas des flux d’information. Moins d’internautes les voient, et si une personne essaie de les partager, un article apparait pour dire qu’il y a tromperie. Demain, avec les « notes de la communauté » , les éventuelles fausses informations ne seront plus dénoncées par des journalistes mais par les internautes qui le souhaiteront. Et ne perdront pas en visibilité…
Ce retournement de Meta est très inquiétant pour la démocratie alors que les plus jeunes ont pris l’habitude de s’informer via les réseaux sociaux. Il annonce un virage de l’opinion vers l’extrême droite et donc vers la profusion d’opinions misogynes.
Le fenêtre d’expression du féminisme se referme-t-elle ?
Alors que les réseaux sociaux ont permis une spectaculaire progression des idées féministes, au début des années 2000, ces idées vont pouvoir être broyées par ceux qui parlent plus fort et se montrent les plus agressifs sur des plateformes hors de contrôle.
Avant Internet en effet, les idées féministes étaient bloquées par des médias conçus avec des lunettes masculines, voire patriarcales. Quand les réseaux sociaux sont apparus, les féministes s’en sont emparées pour donner plus de visibilité à leurs idées. Elles ont même réussi à obliger ces grands médias à la papa à revoir leur vocabulaire pour atténuer la culture du viol (voir plus bas). Ces internautes féministes ont montré qu’elles étaient nombreuses à aspirer à un changement de société quand les grands médias faisaient passer leurs ainées pour une poignée d’illuminées marginales. Sans les réseaux sociaux, le mouvement #MeToo aurait-il pu exister ?
Certes, les féministes ont dû faire face à des vagues de cyberharcèlement et les systèmes de modération n’ont jamais fait de la lutte contre le sexisme leur priorité, mais le discours féministe a pu se faire entendre.
Aujourd’hui, les magnats de l’Internet ont décidé de faire de ces réseaux une machine de guerre d’opinion au service de leurs idées et de leurs intérêts économiques. Ils lâchent les chevaux de la désinformation. La fenêtre de tir d’idées féministes risque bien de se refermer.
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