Non le fils du shah d’Iran n’est pas un sauveur potentiel ! Fahimeh Maktabi-Ponsonnaille, ingénieure française d’origine iranienne, écrit la chronique d’une pseudo-opposition fasciste préfabriquée dans le seul but de freiner la révolution du peuple iranien.
« A l’heure où le régime iranien intensifie sa répression de la jeunesse révoltée d’Iran (plus de 67 exécutions arbitraires reportées dans les 10 derniers jours) la Française d’origine iranienne que je suis, se pose la question du soudain retour d’intérêt des médias, pour le fils de Shah. Comment peut-on être défenseur de la révolution « Femmes, Vie, Liberté », et promouvoir le retour de Reza Pahlavi en alternative au régime ?
Lors de la révolution de 1979, les Iraniens en une foule immense et diverse, de tout sexe, de tout âge, religieux ou non, criant « A bas le shah », « A bas la dictature » et « Liberté, liberté, liberté » portaient les photos des prisonniers politiques, femmes et hommes, torturés et assassinés dans les prisons.
Personne ne s’attend à ce que Reza Pahlavi, que l’on a mis aujourd’hui sur le trône de la pseudo-opposition, endosse les exactions du régime dictatorial de son père, qu’il les reconnaisse comme telles, ou qu’il les condamne fermement et sans équivoque. Ses partisans brandissent la photo du tortionnaire le plus notoire du régime de son père avec la mention, «Cauchemar des terroristes dans le futur »1 Aucune condamnation claire et ferme de Pahlavi. Lorsque l’on sait que c’est ainsi que le régime du shah qualifiait tout opposant, nous sommes en droit de nous inquiéter du dessein que Pahlavi prévoit pour l’avenir d’Iran.
Sans même parler de la répression, lui qui vit depuis 44 ans « royalement » avec l’argent dérobé par son père, se souvient-il des bidonvilles du sud de Téhéran ? Ne peut-il pas utiliser les bénéfices engendrés par l’argent du peuple pour soutenir la révolution au lieu d’en quémander auprès des pays étrangers ? Pouvons-nous penser un instant qu’il se soucie du sort des enfants travailleurs iraniens ?
Oublions cela ! Comment peut-on imaginer un instant une transition démocratique à contre sens de l’histoire par le fils d’un dictateur chassé 44 ans auparavant par le peuple iranien ?
Malgré ses moyens personnels immenses, Pahlavi n’a même pas réussi à conserver son alliance factice avec des opposants autoproclamés qui l’ont rejoint comptant sur sa force médiatique. (La véracité de l’engagement de ces derniers est un autre débat.) Où en est la charte commune tellement vantée par certains médias ? (44 ans, en passant, pour écrire une charte ! Il n’est pas bien véloce.)
Il se disait prêt à développer une alternative politique, or son attachement à ses racines fascistes ont vite pris le dessus. Un à un les membres de cette coalition ont pris leurs distances évoquant l’absence de la liberté de parole au sein de la structure et une tendance à imposer la pensée unique comme son père l’avait fait auparavant. Cela nous rappelle douloureusement la mise en avant d’un certain Khomeini, qui se disait ouvert à la démocratie, mais qui dans les faits n’a fait qu’imposer au peuple iranien sa vision archaïque à son unique profit.
Les femmes ont été depuis toujours à l’avant-garde de la lutte contre les dictatures, monarchique d’abord et théocratique maintenant. Le positionnement de Pahlavi vis-à-vis de l’organe armé du régime, le Corps des Gardiens de la Révolution (IRGC), interroge.
Comment peut-on accepter la parole d’un homme qui souhaite une porte de sortie, et promet un avenir sans conséquences à ceux qui violent, torturent et exécutent notre jeunesse ? J’y vois la volonté de provoquer un coup d’Etat par un nouvel organe de répression, un SAVAK 2 composé des mêmes brutes sanguinaires qui, au moment de la révolution de 1979, ont retourné leur veste de SAVAK pour devenir Bassijis ou Pasdaran2 . Que répondrions nous aux familles des plus de 800 jeunes assassinés juste durant ces quelques mois, dont une centaine d’enfants ? Que répondrions nous aux familles des 120.000 résistants assassinés depuis 44 ans ? Elles attendent un jugement et une condamnation des bourreaux de leurs enfants. Bien sûr un jugement équitable selon les standards des droits humains internationaux, mais une reconnaissance des crimes commis.
Durant 44 ans, à plusieurs reprises, le peuple iranien a tenté de se sortir de cette tyrannie, espérant un changement à l’intérieur de régime, se mobilisant pour le renversement, mais à chaque fois, il a subi une répression encore plus sanglante. Durant 44 ans, la résistance iranienne a continué le combat et maintenu cette flamme de liberté à l’intérieur. Cette fois, la peur a changé de camp et le peuple est déterminé. Je me disais que je ne prendrais jamais part aux débats politiques, mais peut-on rester sans réaction face à la mise en avant d’un certain fascisme et populisme ?
Je ne peux rester silencieuse face aux agitations des partisans du fils du dictateur déchu et de sa cour qui portent le même ADN par leurs actions. Chacun de ses pas est un obstacle à la révolution du peuple iranien, qui se mobilise, malgré une répression de plus en plus sanglante qui tente sans y parvenir, de tuer la volonté farouche de notre jeunesse d’accéder à la liberté, et leur espoir de la laïcité, et la démocratie.
Ne nous y trompons pas, le mot liberté dans le slogan « Femme Vie Liberté » a tout son sens pour celles qui depuis toujours ont été à l’avant-garde de la lutte contre les dictatures, monarchique d’abord et théocratique maintenant.
A ceux qui veulent réduire ce mouvement juste à une question de voile, je répondrais ce que ma tante pourtant voilée, exécutée par ce régime, m’a dit lorsque je lui demandais la raison de sa participation aux premières manifestations antivoile obligatoire : « Ce n’est pas une question de voile, mais d’atteinte à toutes nos libertés ».
Soyons vigilantes ! Il n’y aura pas de liberté pour les femmes sous une dictature quelle qu’en soit la forme.
Le slogan « Femme, Vie, Liberté » » a très vite été accompagné de « Avec ou sans voile nous mènerons cette révolution » et très largement suivi par d’autres slogans comme : « A bas la dictature », « Ni monarchie, ni guide suprême, démocratie, égalité ». Le peuple ne s’y trompe pas, les femmes encore moins.
Fahimeh Maktabi-Ponsonnaille Française d’origine iranienne est Ingénieure, Industrielle, Militante de l’égalité et de la mixité dans les études et les métiers scientifiques et techniques et dans l’industrie,
2 https://www.lemonde.fr/archives/article/1990/12/27/terreur-a-teheran_4014850_1819218.html