Expulsées de leur squat, Nina et Djoul reprennent la route à bord de leur vieux camion. A travers ce road-movie féminin où prime avant tout la soif de liberté, Karim Dridi dresse un portrait touchant de ces femmes marginales. Des rencontres, des galères mais surtout une force incroyable et sorore anime les deux copines.
Fainéant·es nous entraîne dans le quotidien de celles et ceux communément appelés « punks à chiens ». Des marginaux, souvent dérangeants, voire même invisibles aux yeux de la société, qu’on préfère éviter et que l’on juge aussi peut-être un peu trop vite. Car derrière ces « laissé·es-pour-compte », ce sont surtout des hommes et des femmes avec leur histoire, leurs désirs et leur soif de vivre au présent.
Cette fiction pourrait avoir des aspects de documentaire tant le réalisateur s’est inspiré de vraies tranches de vie. Pendant dix ans, il a suivi celle qui lui a inspiré cette histoire, Faddo Jullian, qui interprète d’ailleurs le rôle de Nina. Son acolyte, Djoul, est quant à elle interprétée par .jU. Cette dernière n’est pas comédienne mais son naturel et son charisme font mouche et offrent un beau duo d’héroïnes. Copines dans la vie, l’alchimie entre ces deux femmes est indiscutable. Leur complicité est belle à voir et apporte une véritable luminosité au film.
On ne peut pas évoquer Fainéant·es sans avoir une pensée pour Sans toit ni loi d’Agnès Varda (sorti en 1985). Sandrine Bonnaire y interprète une jeune marginale, qualifiée de « fainéante » par l’un des personnages du film. Car c’est bien l’image que renvoient souvent ces « punks à chiens », des fainéant·es qui refusent de travailler. Un cliché qu’a voulu démonter le réalisateur puisque le film montre les deux jeunes femmes qui travaillent. Et « elles travaillent même beaucoup ! » explique Karim Dridi. « C’est ça le comble des fainéants. À un moment, Djoul se retrouve en usine où elle travaille à la chaîne. Mais elle le fait quand elle choisit de le faire, c’est juste ça la différence. Et quand elle n’a plus envie de le faire, elle arrête, prend son oseille et s’en va ». Bien sûr, cette liberté a un prix et elles la payent cher. Mais Nina et Djoul ne se plaignent jamais car c’est un choix de vie qu’elles assument pleinement.
Fainéant·es est un film féminin, sorore et bienveillant mais qui questionne. Avec sa co-scénariste (et productrice) Emma Soisson, Karim Dridi réussit son pari d’offrir un autre regard sur ces oublié·es, celles et ceux que l’on regarde de loin avec crainte. C’était aussi le cas de Karim Dridi : « Je dois avouer que les punks à chiens, je les regardais jusqu’alors du coin de l’œil. Je les évitais, je suis comme tout le monde. J’avais moi aussi une sorte de mépris à leur égard. Je me suis questionné sur ce mépris. J’ai eu envie d’aller voir un petit peu plus loin et de rentrer dans leur univers » dit-il.
A travers les personnages de Djoul et Nina, le réalisateur nous invite à déconstruire notre regard sur ces « punks à chiens » et à nous interroger sur la définition même du mot « liberté ».
Fainéant·es de Karim Dridi, drame (1H43), produit par Mirak Films, Les Films du Veyrier distribué par New Story. En salles le 29 mai 2024.