Les féministes alertent contre l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite qui marquerait un sérieux recul des Droits des femmes. Et elles doivent parfois batailler au sein des partis qui pourraient faire barrage. (Ajout le 14 juin : la mobilisation « alertes féministes » est lancée)
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République, les féministes multiplient les communiqués et appels à mobilisation. La funeste perspective de voir l’extrême droite arriver au pouvoir laisse entrevoir des reculs catastrophiques pour les Droits des femmes. Un point qui n’a manifestement pas été pris en compte par les hommes qui ont fomenté la décision de dissoudre l’assemblée avec Emmanuel Macron.
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Les associations et ONG féministes ont quasiment toutes appelé à voter contre l’extrême droite dès l’annonce de nouvelles élections législatives. De la Fondation des femmes à la CLEF en passant par le Planning familial ou les associations, les féministes appellent à la mobilisation pour voter contre le RN les 30 juin et 7 juillet. Le texte du Collectif National pour les Droits des Femmes signé par une cinquantaine d’organisations appelle la gauche à s’unir. Et certaines organisations, comme Attac ou Nous Toutes prennent ouvertement parti pour le nouveau Front Populaire.
Ajout le 14 juin : un appel à manifester dans toute la France pour alerter le 23 juin a été lancé par plus de 135 organisations féministes -parmi lesquelles le Collectif national pour le droit des femmes, la Fédération nationale des CIDFF, Fédération Nationale Solidarité Femmes, Fondation des Femmes, #NousToutes, Planning Familial-, des ONG (Avaaz, Oxfam, France Terre d’Asile) et syndicales (CGT, CFDT) « pour alerter sur les dangers de l’extrême droite ». Un site alertes féministes a été créé pour organiser la mobilisation.
Menace pour les Droits des femmes et des minorités
Dès le 9 juin au soir, la Fondation des femmes rappelait : « La menace du Rassemblement National au pouvoir est effrayante pour les droits des femmes dans leur ensemble. Dans tous les pays du monde ou l’extrême droite est au pouvoir, les droits des femmes, des minorités et des plus vulnérables sont ciblés. Toutes les féministes et toutes les femmes doivent en avoir conscience et se rassembler pour empêcher ce désastre.»
Plusieurs citent l’intervention de la militante Caroline De Haas au micro de Mediapart : « la gauche n’est pas parfaite, […] sur les violences sexistes et sexuelles c’est pas parfait du tout […] mais très sincèrement, moi le 8 juillet au matin je préfère me batailler avec François Ruffin ou avec Clémentine Autain qui seront au gouvernement pour leur dire « faites mieux » plutôt que de me batailler avec l’extrême droite. […] Je vais me dire on va les mettre au pouvoir puis une fois que vous serez au pouvoir nous la société civile on viendra vous dire « faites mieux » et on vous lâchera pas mais je préfère ne pas lâcher Clémentine Autain que de m’approcher de Jordan Bardella. »
Impasse dans les programmes du RN
Les programmes et les actes du Rassemblement National (RN) aux dernières législatives et aux européennes donnent raison aux associations qui sonnent l’alerte. Les Droits des femmes, y sont quasiment absents. En 2022, le programme présidentiel de Marine Le Pen, également programme du RN aux législatives de la même année, oublie les femmes de son programme santé mais réserve une section entière à la natalité, proposant d’orienter dans ce sens toutes les aides, et d’en priver les familles bi-nationales ou étrangères sur le sol français.
C’est du côté de la sécurité et de l’immigration qu’il faut regarder pour voir l’extrême droite se piquer de défendre les droits des femmes. Mais la volonté de lutter contre les féminicides est très tempérée : « Des mesures particulières seront prises pour mieux prévenir et réprimer les violences commises à l’encontre des conjoints ou ex-conjoints. ». Même pour lutter contre les féminicides le masculin l’emporte ! Il n’est jamais question d’égalité des sexes. En revanche, de façon vague, l’immigration est sommée de respecter l’égalité hommes-femmes sous peine d’expulsion.
Quand le RN vote
Et dans les actes ? Les votes du RN à l’Assemblée Nationale comme au parlement européen, ne laissent aucun doute. Plusieurs ONG se sont penchées sur le bilan féministe du parti d’extrême droite : abstention sur la proposition de commission d’enquête sur le harcèlement sexuel dans l’UE, refus de ratifier la Convention d’Istanbul et vote contre la condamnation du recul des droits des femmes en Pologne. A l’Assemblée nationale, 72 des 89 députés RN ont voté contre la constitutionnalisation de l’IVG en France puis le groupe parlementaire a déposé un amendement pour s’opposer à l’allongement du délai légal pour avorter. En mai 2024, ce même groupe parlementaire a proposé un amendement pour exclure les dépassements d’honoraires du remboursement des soins liés au cancer du sein.
L’affaire Quatennens
Mais les alertes des féministes ne sont pas toujours entendues dans leur propre camp. La France Insoumise, une des composantes du nouveau Front populaire veut donner l’investiture à Adrien Quatennens, député LFI condamné en 2022 pour violences conjugales. Son cas avait conduit des féministes à se détourner de LFI quand Jean-Luc Mélenchon avait minimisé les faits reprochés à son ami. Et le parti avait choqué les militantes féministes quand il avait réintégré Adrien Quatennens après quatre mois de suspension. Ces militantes demandant si le parti aurait réagi de la même façon si le député avait été condamné pour malversation financière…
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Les amis du député qui tiennent à lui accorder l’investiture mettent les féministes dans une situation impossible. Adrien Quatennens a tenté un appel contrit aux féministes pour qu’elles le soutiennent. Réponse cinglante via un appel féministe à donner l’investiture à Amy Bah. Cet appel commence ainsi : « Ce 13 juin, Adrien Quatennens lançait un appel aux féministes à le soutenir. Nous, militantes, lui répondons ici : “Le maintien de ta candidature est une insulte, faite aux femmes, aux principes d’égalité dont tu te réclames et au peuple de gauche qui se mobilise actuellement contre l’extrême-droite.” » Si les responsables politique de gauche n’abaissent pas très sérieusement leur seuil de tolérance aux VSS, les élections législatives risquent d’être catastrophiques.