Un conducteur de voiture a tué un jeune homme à vélo dans Paris. La question de la lutte contre la violence routière fait encore l’impasse sur la variable « domination masculine ».
Mardi 15 octobre, un cycliste de 27 ans a été écrasé par le conducteur d’une grosse voiture à Paris. D’après les premiers éléments de l’enquête, il s’agirait d’un geste volontaire de l’automobiliste, un père de famille de 52 ans, placé en garde à vue. Le lendemain, plusieurs centaines de personnes se sont réunies en hommage au jeune Paul, mort sous les roues du SUV. L’émotion était vive et le silence glaçant, entrecoupé d’applaudissements.
Violence routière : la variable virilité ignorée
Le traitement de cette affaire dans les médias a d’abord fait l’impasse sur une variable importante pour expliquer le geste du conducteur : des comportements de domination masculine.
Sur des chaînes dites d’information en continu, certains « débats » spectacles mettent en cause l’aménagement des routes qui exaspèreraient les chauffeurs, les cyclistes qui rouleraient n’importe comment. D’un autre côté, pour défendre les cyclistes et les mobilités douces, certains responsables politiques veulent supprimer des rues de Paris les SUV, ces véhicules lourds, volumineux et très polluants.
Mais, souligne Lucile Peytavin, autrice de Le coût de la virilité, ce que la France économiserait si les hommes se comportaient comme les femmes, (A. Carrière ed) « Les SUV, comme les armes, ne tuent pas tout seuls. Les interdire ne résoudra pas ce problème de violence. Il est temps de prendre en compte le fait que le sexe masculin est le 1er critère qui définit le profil des délinquants et criminels. Sur la route les hommes sont responsables de 84% des accidents mortels. Pour couper le robinet de tous les types de violence, il est temps de s’attaquer à sa véritable cause : la virilité. » D’autres statistiques montrent que les hommes représentent 93% des conducteurs alcoolisés responsables d’accidents mortels et 90 % des permis retirés en raison d’infractions. Ils sont les premières victimes de ces comportements nocifs (Lire : Conduisez comme une femme… pour rester en vie)
De « différend » à « meurtre »
Cette variable n’est jamais évoquée en priorité. Dès les premiers titres de presse annonçant le drame, les journaux évoquaient, reprenant une dépêche de l’AFP, un « différend routier » qui serait à l’origine de la mort du jeune homme. Ils suggèrent ainsi que la victime pourrait avoir sa part de responsabilité. Alors que ces mêmes journaux racontent que l’automobiliste aurait coupé la route au jeune homme en roulant sur la voie cyclable. Le jeune homme aurait protesté. Puis l’automobiliste l’aurait percuté volontairement.
Pendant que ces journaux niaient la variable « virilité » dans leurs gros titres, les féministes tentaient de remettre les idées en place sur les réseaux sociaux.
Comme l’a écrit Céline Piques, membre du bureau d’Osez le féminisme et autrice du livre « déviriliser le monde » (ed de l’Échiquier) « Vraiment touchée par ce meurtre », « Il y a une agressivité viriliste des hommes au volant qui met tous les cyclistes en danger ». Elle partage une interview de Jean-Marc Bailet, docteur en psychologie, sur France 3 en 2023, qui dénonçait la « road rage » des hommes.
Petit à petit, certains journaux, ont modifié leurs titres comme France Info oubliant le « différent routier » pour écrire : « Un cycliste tué par un automobiliste à Paris, une enquête pour meurtre a été ouverte.»
Pour autant, les responsables politiques ne s’attaquent toujours pas à la variable « socialisation des hommes » pour lutter contre la violence routière et bien d’autres formes de violence.
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