Passages en direct à la télévision, déclarations d’amis dans la presse, ou lettres ouvertes : face aux accusations de violences sexuelles qui pèsent sur l’animateur et l’acteur, ces derniers multiplient les sorties dans les médias.

Alors que les dernières semaines ont été marquées par la multiplication de nouvelles accusations visant des personnalités publiques, c’est surtout l’affaire Cauet et le cas de Gérard Depardieu qui concentrent l’attention médiatique. Et pour cause : bien loin de se murer dans le silence, leurs prises de parole et celles de leurs proches ont l’air de passionner les médias, sans que celle des victimes aient autant d’ampleur.
Récemment accusé de violences sexuelles par le biais de plusieurs plaintes, Sébastien Cauet était invité sur BFMTV pour s’exprimer sur l’affaire. Presque dix minutes où l’animateur s’est placé en victime, évoquant un « tribunal médiatique », et répétant que « tout est faux, tout est mensonger ». « Je suis le premier plaignant dans cette histoire, je suis le premier à avoir porté plainte, c’est important que les gens le sachent » a-t-il expliqué, laissant entendre posséder des preuves d’une machination à son encontre. Avant de prononcer cette phrase qui a beaucoup fait réagir : « La parole des femmes victimes est sacrée, mais dans mon cas, il s’agit de mensonges ».
En plus de cette interview, la femme de l’animateur, Nathalie Dartois, était sur le plateau de l’émission de Cyril Hanouna, Touche Pas à Mon Poste, pour affirmer : « Il est innocent (…) Je sais que Sébastien n’a jamais été comme ça, il n’est pas comme ça et il ne sera jamais comme ça ». D’autant qu’au lendemain de cette interview sur BFMTV, les avocats de Sébastien Cauet ont annoncé avoir saisi l’Arcom (l’autorité de régulation des contenus télévisuels) suite à la diffusion des échanges de messages entre Cauet et une des plaignantes, capture d’écran déjà partagée sur Twitter. Les avocats ont ainsi annoncé vouloir « consulter le CDJM [Conseil de déontologie journalistique et de médiation] sur l’interview à charge opérée par le journaliste Benjamin Duhamel ». Une nouvelle tentative de défense ?
Pour Depardieu, la rhétorique des « monstres »
La diffusion du Complément d’enquête consacré à Gérard Depardieu a choqué la France entière : les images de lui en Corée du Nord, filmées par son ami Yann Moix, ont fait le tour d’internet. Désormais, il devenait impossible de faire semblant, alors que les accusations à l’encontre de l’acteur sont présentes depuis plusieurs années. En octobre dernier, la lettre ouverte de Gérard Depardieu dans Le Figaro, où il voulait exprimer « sa vérité » avait été reprise partout, beaucoup plus que les paroles des femmes qui l’accusent. Dans le reportage qui lui est consacré par Complément d’Enquête, nombreux sont ceux, amis et producteurs, à le soutenir, à le défendre face caméra.
Devant l’horreur, dans les médias, une expression est revenue en boucle : la chute d’un « monstre sacré » du cinéma, et plus largement, une catégorisation de l’acteur comme d’un « monstre », un « ogre », en bref, un être pas vraiment humain, hors-norme dans sa capacité au pire. Dans son dernier livre, « En bons pères de famille » (Editions JC Lattès), l’autrice et militante féministe Rose Lamy revenait sur l’emploi de ce champ lexical de la monstruosité, utilisé pour parler des autres, de ces hommes violents qu’on ne comprends pas. Une manière de mettre à distance les agresseurs comme évoluant en dehors de la société, et qui participe à faire perdurer le système des violences masculines.
Qui donne la parole à celles qui dénoncent le système ?
Rose Lamy écrivait ainsi : « Je ne dis pas que tous les hommes, individuellement, sont violents. Par contre, tous les hommes bénéficient d’un système ou d’une ambiance ou d’un climat qui tolèrent ou excusent pour certains les violences sexistes. Et donc je pense qu’on a tous une responsabilité, les femmes aussi, de s’interroger sur la violence de genre à plus grande échelle que juste soi, et je pense qu’on peut tous potentiellement être violents ». Car ce qui choque, dans l’affaire Depardieu ou Cauet, comme dans toutes les autres, c’est que tout le monde savait. Et que malgré les dénonciations, de célébrités ou d’anonymes, on interroge la personnalité et le parcours d’un homme, mais très peu un système.
Pourtant, c’est ce que dénonce Anouk Grinberg au micro de France Inter, quelques mois après sa tribune dans Elle. Dans cette interview, elle dénonce le système du cinéma français, car être « un monstre sacré du cinéma l’a autorisé à devenir monstre tout court ». L’actrice a ainsi expliqué que le Complément d’Enquête « donne à réfléchir, pas seulement sur la monstruosité que Gérard Depardieu s’accorde avec la moitié du genre humain, mais l’autre monstruosité, celle des gens du cinéma qui sont indifférents au mal qu’on fait aux femmes, aux humiliations qu’on leur inflige ». Dénoncer non seulement l’homme, mais le système dans lequel il évolue, que ce soit le cinéma ou plus largement, la société patriarcale.
Dans une tribune pour Libération, intitulée « Depardieu, PPDA : les dragueurs lourds n’existent pas, ce sont des agresseurs qui se croient irrésistibles », la journaliste Hélène Devynck dénonce : la « victimisation des agresseurs est un poncif aussi éculé que la culpabilisation des victimes ». « Mais tous ceux qui sont autour, qui assistent au spectacle de Gérard Depardieu, savent bien qu’il est négligé, éructant, vieux, graisseux, repoussant. Comment peuvent-ils l’imaginer désirable pour les jeunes femmes qu’il cible ? » interroge-t-elle, avant de poser la question de l’impunité, de Depardieu comme des autres. Car à voir la couverture médiatique de ces affaires, c’est bien le cœur du sujet : combien d’autres potentiels agresseurs profitent de cette toute-puissance du « tout le monde savait » ?