L'utilisation du bracelet électronique pour surveiller les conjoints violents aura été l'une des mesures les plus débattues du projet de loi sur les violences conjugales. Les débats sur le texte au Sénat font que sa discussion, initialement prévue mardi et éventuellement mercredi, se poursuit jeudi 24 juin. Retour sur les prises de position passionnées, mercredi soir, autour du bracelet électronique.
L'article 2 bis de la proposition de loi permet d'imposer un bracelet électronique à un conjoint, ou ancien conjoint, mis en examen « pour des violences ou des menaces, punies d'au moins 5 ans d'emprisonnement ». Le dispositif, expérimenté en Espagne, est équipé d'un GPS et doit sonner quand son porteur s'approche de sa victime potentielle.
La surveillance électronique pourra aussi être imposé à un conjoint violent qui a été condamné, à condition que sa condamnation soit supérieure à 5 ans.
Et sur ce dernier point, les débats ont été vifs au Sénat. Le texte voté par l'Assemblée rendait possible le placement sous surveillance électronique si la peine encourue est supérieure à 5 ans. Et donc, même si la peine prononcée est plus légère. Le gouvernement a défendu au Sénat un amendement pour revenir à cette première version. « Il serait paradoxal de permettre une surveillance électronique jusqu'au jugement, et devoir l'interrompre si la peine est inférieure à cinq ans », a défendu Nadine Morano. Pour la Secrétaire d'Etat à la famille,qui défendait déjà ce principe du bracelet électronique en novembre 2009, la protection des victimes doit primer.
Mais l'amendement a été rejeté, après une longue passe d'armes.
Car cette disposition risque de se heurter à la censure du Conseil constitutionnel si un avocat le saisit. Les Sages ont en effet considéré en 2005 que le bracelet électronique doit s'appliquer en cas « d'infractions strictement définies et caractérisées par leur gravité particulière » Il est inenvisageable d'imposer un bracelet à quelqu'un qui aura été condamné à six mois avec sursis, a ainsi rappelé le rapporteur du texte, François Pillet. « Faire du droit, c'est aussi respecter la Constitution, respecter les libertés publiques », a ajouté le président le la Commission des lois, Jean-Jacques Hyest. Rappelant que le bracelet électronique est « une procédure exceptionnelle qui a été créée pour éviter la récidive dans les cas les plus graves. »
Il est à noter que les échanges au Sénat se sont concentré sur ces aspects moraux et juridiques. Sans aborder l'aspect technique. La commission des droits des femmes relevait pourtant récemment : « le bilan pratique que peuvent tirer les magistrats de la surveillance électronique est, pour le moins, nuancé : le déclenchement intempestif des alarmes provoque d'abord un « stress » important et mobilise des moyens dont le coût peut être supérieur à une journée de détention. Ensuite, pour un meurtrier déterminé à passer à l'acte, le bracelet n'est pas un obstacle majeur puisqu'il peut être arraché. » « Il conviendrait donc de remédier, d'urgence, aux imperfections techniques de la surveillance électronique qui la rendent difficilement opérationnelle à l'heure actuelle », estimait la commission.
Limites techniques et constitutionnelles, réticences des magistrats : l'utilisation du bracelet électronique pour les conjoints violents devrait donc se trouver restreinte en France. Au final, cette disposition ressemble surtout à un essai. Le texte de loi précise d'ailleurs qu'elle est applicable « à titre expérimental, pendant une durée de trois ans », et « dans des ressorts déterminés par le ministère de la justice ».
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