Retour à une ambiance boy’s club dans le gouvernement belge : 4 femmes pour 11 hommes et aucune femme nommée au Kern. La nouvelle ministre des Entreprises publiques Vanessa Matz réclame des quotas en politique.
Près de huit mois après les élections législatives en juin 2024, un Premier ninistre a été nommé en Belgique : Bart De Wever. La nomination du chef des conservateurs flamands fait suite à un accord de coalition entre cinq partis : l’Alliance néoflamande (N-VA), les chrétiens-démocrates (CD&V), les socialistes flamands (Vooruit), le Mouvement réformateur (MR, libéral) et les Engagés (centriste). Au sein de cette coalition qui penche à droite, nommée L’Arizona, les femmes ministres sont peu représentées.
La parité n’est pas au rendez-vous
4 femmes pour 11 hommes. C’est la composition du nouveau gouvernement de Bart De Wever, où une seule femme est nommée à la tête d’un ministère régalien : Annelies Verlinden (CD&V) à la Justice. À ses côtés, on retrouve Anneleen Van Bossuyt (N-VA) au ministère Asile et Migration, Éléonore Simonet (MR) aux Classes moyennes, Indépendants et PME et Vanessa Matz (Les Engagés) à la Modernisation publique en charge des Entreprises publiques.
Le manque de parité est flagrant. À cela s’ajoute une absence totale de femmes au sein du Kern, le conseil restreint des vice-premiers ministres. Un véritable retour en arrière alors même que le précédent gouvernement avait atteint la parité : 10 femmes et 10 hommes parmi les ministres et secrétaires d’Etat, dont 7 femmes et 7 hommes pour les ministres.
Cette situation aurait pu être évitée. Les partis de la nouvelle coalition comptent dans leur rang des « femmes de grande qualité » qui « pourront peser dans les décisions », insiste la ministre Vanessa Matz, avant de regretter l’absence totale de femmes au Kern. « Les partis n’ont pas fait le job », lance t-elle au micro de la radio Bel RTL.
« Back to the 1970s, Où sont les femmes ? », a réagi sur Bluesky le président du PS Paul Magnette. La députée Meyrem Almaci (Groen, parti de centre gauche) s’insurge elle aussi : « Nous pensions que le temps où les hommes dominaient complètement un gouvernement était révolu. En fait, le kern, c’est-à-dire le cockpit du gouvernement, qui comprend cinq vice-Premiers ministres en plus du Premier ministre, est un club exclusivement masculin ».
La photo officielle du nouveau gouvernement illustre ce déséquilibre : les femmes, en arrière plan, derrière les hommes, sont complètement invisibilisées. Isabella Lenarduzzi, fondatrice de la communauté d’entrepreneuses JUMP, dénonce sur Instagram : « Non seulement les femmes sont minorisées par leur nombre (25%), infériorisées par leurs fonctions subalternes, mais elles sont aussi invisibilisées sur cette première photo du gouvernement fédéral belge. Indécent et humiliant ». Il faut attendre la polémique pour qu’une nouvelle photo soit diffusée. Les quatre ministres femmes y sont davantage visibles mais restent noyées dans une majorité masculine.
Interrogé sur ce manque de parité, le nouveau Premier ministre Bart De Wever dit regretter tout en se déchargeant de toute responsabilité : « Hier, je m’attendais à ce qu’il y ait une femme dans le kern. Si aujourd’hui ce n’est pas le cas, c’est plutôt un hasard, pas un choix. Ce n’est pas élégant, en ces temps, de n’avoir que des hommes dans un kern, mais ça peut arriver ». Intervenu sur la chaine de radio LN24, le ministre de l’Énergie Mathieu Bihet (MR) considère l’absence totale de femmes au sein du Kern comme un “concours de circonstances”. Une explication simpliste pour invisibiliser un système qui désavantage les femmes en politique. Citée par la RTBF, la politologue Audrey Vandeleene, spécialiste de la représentation politique et des questions de genre et politique, le rappelle : « On atteint quasiment la parité dans les parlements, poursuit-elle, donc l’excuse de dire qu’il n’y a pas suffisamment de femmes qui ont de l’expérience politique ne vaut plus. ». À l’aube de 2025, il est encore nécessaire de le marteler.
« Un gouvernement d’hommes, pour les hommes »
Suite à la nomination de ce boys club au gouvernement, le premier risque est de voir les droits des femmes régresser. Citée par la RTBF, Elodie Blogie, conseillère politique pour le réseau belge Vie féminine, craint “les attaques envers les droits des femmes par le biais socio-économique”. Elle précise : « Ce gouvernement va appauvrir les femmes, s’attaquer à leur autonomie économique. Les mesures socio-économiques présentes dans l’accord vont avoir un impact démesuré sur les femmes. »
En effet, les mesures prévues par le nouveau gouvernement impacteront davantage les femmes. Notamment la réforme des pensions qui prévoit de durcir les conditions d’accès ou encore le projet de remettre au travail les malades de longue durée alors même que « tous les chiffres montrent que plus de 60% des personnes concernées sont des femmes », précise Elodie Blogie. La député Meyrem Almaci (Groen) y voit « un gouvernement d’hommes, pour les hommes ».
Des quotas pour en finir avec le boys club
Pour remédier à ce manque de parité au sein du gouvernement, la ministre des Entreprises publiques Vanessa Matz propose d’instaurer des quotas. « On impose toute une série de quotas, et c’est légitime, dans des institutions, les collèges communaux. Pourquoi n’y a-t-il pas un quota au conseil des ministres à tout le moins ? », interpelle-t-elle. Si depuis 2002 la constitution belge empêche un gouvernement de n’être composé que de femmes ou d’hommes, il suffit qu’une seule femme ou un seul homme soit nommé.e pour respecter la loi. Une règle qui ne permet pas d’atteindre la parité.
« C’est une étape par laquelle on doit passer. Il faut contraindre pour que cela se fasse naturellement par la suite », défend la ministre. Elle n’est pas la seule à soutenir l’idée des quotas. Le parti des Verts a récemment déclaré vouloir inscrire dans la Constitution la garantie d’un seuil de présence de l’un des deux genres au sein du gouvernement. Un changement également souhaité par le PS. La député Caroline Désir a soumis un texte visant à faire de la parité la règle au sein du Conseil des ministres. Le but : s’assurer que les femmes ne soient cantonnés aux simples postes de secrétaire d’État.
Le processus pour davantage de parité en politique est engagé. Mais le nouveau gouvernement révèle le profond ancrage des biais genrés au sein de la politique belge… comme ailleurs.
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