C’est une victoire très symbolique pour la gauche. La candidate des Verts Anny Poursinoff a remporté, dimanche 11 juillet, la législative partielle de Rambouillet (Yvelines) qui l’opposait au candidat UMP Jean-Frédéric Poisson. « Anti-bling bling », antisarkozyste surtout, Annie Poursinoff ne mâche pas ses mots. Même quand il s’agit d’affronter ses contradictions et celles de son parti, au sujet du cumul des mandats.
Les électeurs de la circonscription de Rambouillet étaient appelés à nouveau aux urnes suite à l’invalidation du précédent scrutin, en septembre 2009, qui avait vu son candidat UMP Jean-Frédéric Poisson l’emporter de seulement 5 voix. Dimanche 11 juillet, ce bastion de la droite a élu une candidate de gauche, une candidate « anti-bling bling », ainsi que l’a surnommée la responsable des Verts Cécile Duflot. Faut-il voir dans cette victoire un signe du rejet des liens entre argent et pouvoir, alors que le scrutin se déroulait en pleine « affaire Woerth » ?
Anny Poursinoff ne rejette pas cette analyse, mais n’y voit pas la raison principale de sa victoire : « Dans ce secteur, il y a beaucoup de grandes familles très riches, les gens sont habitués à cela », relativise-t-elle. Elle préfère voir dans son élection « davantage une prise de conscience des gens qui se rendent comptent qu’ils en bavent, au sujet des retraites, dans la fonction publique par exemple ». Et pour elle, « Sarkozy, avec ses bobards, a dégoûté ces gens ».
Pour les 32 heures
Combattre la politique de l’UMP, et penser à contre-courant, c’est ce qui motive l’ancienne infirmière et syndicaliste à la CFDT. La question de la réforme des retraites est un sujet qui lui tient à coeur. Pas question pour elle d’accepter l’allongement de la durée de cotisation. D’autant que le sujet fait écho à ses autres chevaux de bataille : la pénibilité du travail et la semaine de 32 heures. Alors que « le travail s’intensifie, les temps de trajet s’allongent », travailler moins permettra à tout le monde de vivre mieux, et de parvenir au plein emploi. Les 32 heures, une clé ignorée pour résoudre le financement des retraites, regrette Anny Poursinoff. « Les gens qui s’abrutissent au boulot, qui rentrent tard chez eux, ont du mal à croire que c’est possible. Mais tous ceux qui sont au chômage le comprennent très bien », assure-t-elle. Elle reconnaît que la semaine des 32 heures n’a pas la cote chez ses confrères politiques. « Mais pendant 20 ans, j’ai parlé d’écologie avant que cela devienne un sujet de société. J’espère que sur le temps de travail, l’évolution des mentalités sera la même ».
Sur les questions écologiques, l’élue des Verts ne mâche pas non plus ses mots, fustigeant les récents reculs d’un « gouvernement sous l’emprise des lobbies de l’agroalimentaire, des pesticides », mais reste persuadée que l’opinion publique est de plus en plus consciente des enjeux environnementaux. Elle qui, au conseil régional d’Ile-de-France, a notamment travaillé au développement de l’agriculture biologique, assure d’ailleurs rencontrer « de plus en plus de gens qui veulent manger bio, par exemple ».
Au palais Bourbon, Anny Poursinoff entend aussi porter ses exigences sur la place des femmes en politique. Elle constate les difficultés qu’ont les femmes à se faire une place dans les assemblées. Et dénonce d’autant plus durement la réforme des collectivités territoriales, et la volonté de l’UMP d’imposer un mode de scrutin majoritaire qui « risque de faire passer les femmes à la trappe ».
Le piège du cumul
Femme de convictions, Anny Poursinoff doit désormais affronter une contradiction. Elle a toujours pourfendu le cumul des mandats. Mais, en devenant députée, la conseillère régionale d’Ile-de-France devient elle-même une cumularde.
Elle ne souhaitait d’ailleurs pas concourir pour ce siège de députée. Mais s’est retrouvée, dit-elle, « prise au piège » par son parti qui a déposé le recours invalidant l’élection de Jean-Frédéric Poisson. Anny Poursinoff avait entre temps rempilé pour un deuxième mandat régional. Elle assume aujourd’hui son élection à l’Assemblée et entend par cohérence quitter son siège à la région. A regret, car elle s’y est « beaucoup investie », mais « nul n’est irremplaçable ».
Dès sa victoire dimanche soir, elle a insisté auprès des instances des Verts pour clarifier sa situation au plus vite. Mais n’aura pas de réponse avant la fin de l’été. C’est le Conseil National Inter-Régional du parti qui décidera, en septembre, si elle peut quitter son siège à la région. Et rien n’est moins sûr. Car derrière son cas particulier se retrouvent des enjeux de rapports de force qui la dépassent. En cas de démission d’Anny Poursinoff, c’est une candidate du Front de Gauche, et non des Verts, qui prendra sa place au conseil régional. Elle se pliera donc à la « discipline de parti » mais, si elle doit cumuler les mandats, « pas question de cumuler les indemnités » : elle reversera sa paie d’élue régionale. Ce n’est pas qu’un symbole « anti-bling bling », c’est une question de principe.