Après une campagne anti-féministe, Donald Trump a été réélu président des États-Unis. Une élection qui renforce la montée du masculinisme dans le pays. Depuis, ses agents affichent une haine des femmes décuplée et la volonté de contrôler leurs droits et leur corps.
« Your body, My choice ». Depuis la réélection de Donald Trump comme président des États-Unis le 5 novembre dernier, ce slogan, détourné du célèbre mantra pro-avortement « My body, My choice », pullule sur les réseaux sociaux. L’élection d’un homme condamné pour agression sexuelle en 2023 au sommet de la politique américaine envoie un signal fort : l’avènement des idées masculinistes et une menace certaine pour les droits des femmes.
Le masculinisme entre à la Maison Blanche
Tout au long de sa campagne, Donald Trump a annoncé la couleur de son prochain mandat. Le 30 octobre dernier, lors d’un meeting dans l’État du Wisconsin, il s’est auto-proclamé « protecteur des femmes (…) que cela leur plaise ou non ». Il ajoute : « Je vais les protéger. Je vais les protéger des migrants qui arrivent. Je vais les protéger des pays étrangers qui veulent nous frapper avec des missiles et plein d’autres choses ».
Xénophobe, paternaliste et surtout anti-féministe, la politique de Trump affiche aussi un soutien clair à l’idéologie masculiniste. Le candidat a, à de nombreuses reprises, rencontré des influenceurs défendant des valeurs hyper-virilistes et misogynes. Cette victoire donne aux masculinistes un sentiment de toute puissance, de légitimité pour exprimer sans complexe leur haine des femmes.
« Hé, bande de salopes, on contrôle votre corps ! Devinez quoi ? Les mecs ont encore gagné ! Vous n’aurez jamais le contrôle de votre propre corps ! Votre corps, notre choix », raille Nicholas J. Fuentes, un militant masculiniste à la tête d’un groupe de nationalistes blancs extrémistes chrétiens, dans une vidéo postée peu après le résultat des élections. Il poursuit : « Jamais, jamais de femme présidente. Jamais ! ».
Mais Nicholas J. Fuentes n’est pas le seul à tenir ce genre de propos. Le 7 novembre, Andrew Tate, influenceur masculiniste accusé d’agressions sexuelles et inculpé pour trafic d’êtres humains, lance sur son compte X suivi par plus de 10 millions d’abonnés : « J’ai vu une femme traverser la rue aujourd’hui, mais je n’ai pas enlevé mon pied de l’accélérateur. Quelle priorité ? Vous n’avez plus aucun droit ». Le post a depuis été supprimé mais cela ne l’a pas empêché d’être vu plus de 680 000 fois en deux heures. Depuis, de nombreux hommes lui emboitent le pas et commentent, harcèlent et menacent les femmes sur les réseaux sociaux.
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Le lien entre l’élection de Donald Trump et ce déferlement misogyne sur internet a d’ailleurs été établi par l’Institute for Strategic Dialogue (ISD) dans un rapport publié le 8 novembre. L’ISD enregistre une augmentation de 4 600 % des mentions « Your body, my choice » et « Get back in the kitchen“ sur X. En outre, le rapport observe que les auteurs de ces messages « semblent utiliser les résultats des élections comme une structure d’autorisation pour défendre de manière plus ouverte et plus agressive des discours sur la limitation des droits des femmes ».
Les américaines s’inquiètent
En réaction à cette vague misogyne, Hannah Cor, influenceuse féministe, considère que « [ces hommes] n’ont plus besoin de taire leur haine des femmes. Ils peuvent nous haïr ouvertement et ne rien avoir à y perdre », explique t-elle sur Tiktok. Un constat qui fait écho à celui de l’influenceuse Camila Guadarrama. Sur le même réseau social, cette dernière raconte : « J’ai dû supprimer une vidéo parce qu’on me menaçait, et des hommes commentaient en disant qu’ils avaient hâte que je me fasse [violer] ou [en disant] “Ton corps, mon choix” ».
Aux États-Unis, les questions de contraception et d’avortement ont divisé lors des dernières élections. Les femmes ont représenté 53% des votants. Pourtant, 44% des américaines ont voté pour Trump qui revendique ses positions anti-choix. Déjà en 2020, il avait été le premier président américain à participer à une marche anti-avortement. En 2022, après que Trump ait nommé trois juges conservateurs à la Cour suprême lors de son premier mandat (2017-2021), le droit constitutionnel à l’IVG a été abrogé dans le pays.
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Lors des dernières élections, 54% de l’électorat féminin a voté pour la candidate démocrate Kamala Harris. Ces dernières s’inquiètent de voir les pilules abortives disparaître des commerces dans certains États. Elles parlent même d’une « apocalypse reproductive ».
Riposte féministe
Mais la mobilisation s’organise en ligne. Des centaines de vidéos montrent des américaines se rasant la tête et annonçant vouloir prendre des cours de self défense, supprimer leur profil sur les applications de rencontre et décider de ne plus adresser la parole aux hommes.
Ces revendications sont directement inspirées des féministes sud-coréennes du mouvement 4B qui rejettent le couple hétéro, le mariage, la grossesse et le sexe. Ces militantes luttent ainsi contre une société où la haine des femmes est structurelle, soutenue par un gouvernement tout aussi misogyne.
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Face à l’ampleur de la mobilisation, Jon Miller, activiste d’extrême-droite, tente, une fois de plus, d’intimider les femmes sur X : « Des femmes menacent de faire la grève du sexe, comme si elles avaient leur mot à dire ». Accusé d’encourager la culture du viol, le post a depuis été supprimé après avoir été plus de vu 85 millions de fois. Comme en Corée du Sud, l’électorat américain semble, plus que jamais, fracturé.
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