24 % de femmes parmi les ingénieurs et des stéréotypes toujours prompts à écarter les filles des filières conduisant à ces métiers ! L’association « Elles bougent » a beau se démener, les mentalités évoluent peu.
« Carrières en Sciences : L’Orientation est-elle toujours Genrée en 2024 ? » : à cette question posée dans une étude mené par L’association Elles Bougent avec l’institut OpinionWay, la réponse est « oui ». Réalisée en mars 2024, auprès de 6.125 femmes, dont 4 202 ingénieures et techniciennes en activité et 1.923 étudiantes en formation, l’enquête montre que les stéréotypes sont toujours à l’œuvre pour détourner les filles des carrières scientifiques.
Voici quelques chiffres clés : 75% des femmes craignent d’être confrontées au sexisme dans l’industrie (81% des étudiantes, 72% des actives). 82% ont rencontré des stéréotypes de genre dès l’école. 1 femme sur 5 a été découragée de poursuivre des études scientifiques. 63% des étudiantes en ingénierie doutent de leur réussite. 63% estiment que les métiers de l’industrie sont plus difficiles d’accès pour les femmes que pour les hommes.
Carrière scientifiques : terrain miné pour les femmes
Quand on met bout à bout les stéréotypes qui forgent les mentalités, les filles ont tout pour se détourner des études scientifiques. On leur met dans la tête que ces études sont plutôt faites pour les garçons. Quand elles intègrent une école d’ingénieur, elles se trouvent dans les environnements très masculin dans lesquels elles ne se sentent pas à leur place. Et quand elles arrivent dans l’entreprise, elles rencontrent la même hostilité ou se sentent reléguées. Elles voient leurs carrières avancer bien moins vite que celles de leurs homologues masculins. 81% d’entre elles estiment que les hommes accèdent plus facilement aux postes à responsabilité et 75 % voient qu’à poste égal les hommes ont un meilleur salaire.
« Même après l’école d’ingénieur, il y a une déperdition de talents féminins » se désole Valérie Brusseau, présidente de l’association Elles bougent « On compte 30 % de femmes dans les écoles ingénieurs mais seulement 24 % dans l’industrie. Beaucoup de femmes optent pour d’autres parcours professionnels »
Syndrome de l’impostrice
Et ce n’est pas tout ! Ces femmes se disent victimes du « syndrome de l’imposteur ». Mal vues par certains si elles optent pour des carrières scientifiques et, mal accueillies dans leurs entreprises, elles n’échappent pas au doute. Le « syndrome de l’imposteur » c’est ce doute, cette peur de ne pas être à la hauteur et d’être démasquée. 63 % des étudiantes et 53 % des femmes actives disent le ressentir… Mais ces chiffres sont forcément largement sous-estimés puisque, le plus souvent, ce syndrome est inconscient.
Réforme du bac
Autre obstacle : des décisions politiques délétères. Amel Kefif, directrice générale de l’association Elles Bougent est toujours en colère contre la « La réforme du Baccalauréat de 2019 qui a détruit vingt-cinq ans d’efforts pour arriver à la parité dans la filière scientifique. En seulement trois ans, la proportion de filles ayant choisi d’avoir des mathématiques et des sciences dans les classes de première générale a baissé de plus de la moitié.» (Lire : Échec en maths : la réforme du lycée creuse les inégalités). Les mathématiques n’étant plus obligatoires ; les filles s’en sont massivement détournées pour coller aux stéréotypes. Les industriels avaient protesté contre cette réforme qui diminuait aussi le nombre de garçons susceptibles d’opter pour leurs filières et la réforme a été annulée (Lire ici). Mais elle fait de gros dégâts pour les carrières scientifiques des femmes.
L’association, créée en 2005, bouge vraiment pour faire changer les mentalités. Les marraines et bénévoles de Elles bougent vont dans les établissements scolaires montrer des rôles modèles pour réduire les appréhensions des filles. L’association organise des visites d’entreprises, participe à des forums de recrutement, des salons d’étudiant.es, des salons professionnels…
Mentalités à la traîne
Mais, même si elles réalisent plus de 700 actions par an et parviennent à sensibiliser 40.000 filles, ces femmes scientifiques ne pourront pas, seules, mettre fin à une forme de ségrégation professionnelle, fruit de mentalités qui ne bougent pas vraiement. C’est la société tout entière qu’il faut mettre en mouvement pour décomplexer les filles face aux matières scientifiques. L’école, les parents, les responsables politiques, les dirigeants d’entreprise… Des études montrent par exemple que les enseignants en sciences donnent plus volontiers la parole aux garçons, ce qui conforte les doutes des filles et la confiance en soi des garçons.
Les recommandations pour rendre les entreprises plus accueillantes pour les femmes sont connues depuis longtemps. Elles bougent les rappelle une nouvelle fois. Qu’il s’agisse des process RH avec des mesures pour aller chercher des candidatures de femmes, pour les recruter et pour faire progresser leurs carrières ou remplacer la prime au présentéisme par la prime à l’efficacité… Eriger des rôles modèles, accompagner les femmes par du mentorat, lutter contre le sexisme ordinaire, former les managers pour casser une forme d’entre-soi masculin…
« Il faut que la culture de l’égalité devienne un projet d’entreprise »
« Il faut former les managers et l’ensemble des équipes à la démarche RSE. Il faut que la culture de l’égalité devienne un projet d’entreprise » martèle Valérie Brusseau. Car au-delà de l’enjeu d’égalité femme hommes, «L’industrie de demain doit se construire avec les femmes. C’est une responsabilité collective. L’Intelligence artificielle, la décarbonation, la transition écologique, sont des domaines clés pour les métiers scientifiques. Ils ne peuvent pas être pensés sans les femmes. »