Le silence des hommes politiques dans cette affaire de viols est troublant. Les questions posées à la plaignante tentent d’inverser la culpabilité. L’ordre social n’est pas encore bouleversé par le procès des viols de Mazan.
« L’ampleur du procès Mazan n’a pourtant pas fait réagir la classe politique » fait observer Matthieu Croissandeau dans son éditorial parfaitement ciselé sur Public Sénat, le 18 septembre. Le journaliste évoquait le procès Pélicot, procès du mari violeur et des hommes qui ont violé sa femme alors qu’il la droguait à son insu. Un procès pourtant suivi et relaté pas à pas par la presse française et étrangère. Silence de « tous ces ministres qui se déplacent au moindre fait divers, tous ces élus qui n’ont que la délinquance à la bouche, tous ces politiques qui instrumentalisent la peine et le chagrin, tous ceux qui profitent pour extrapoler généraliser pointer du doigt telle ou telle population… »
Comme si les violences sexistes et sexuelles n’étaient pas un sujet politique
Matthieu Croissandeau fait remarquer qu’on ne les a « pas vu, pas entendu dénoncer la culture du viol, réclamer plus de moyens pour lutter contre cette criminalité, exiger des peines plus dure. » Et de citer Laurent Wauquiez ou Jordan Bardella qui ont été sur de multiples fronts ces derniers jours pour s’emparer de « faits divers », prétexte à durcir certaines peines et se montrer sévère envers certaines communautés. Mais ils n’ont pas eu un mot à propos de la lutte contre les Violences sexistes et sexuelles (VSS)… Et les hommes politiques de gauche n’ont pas davantage réagi.
Dénoncer les VSS « trouble l’ordre patriarcal »
Réponse cinglante de Laurence Rossignol, sénatrice et ancienne ministre en charge des Droits des femmes : « Juste observation de @croissandeau. Pourquoi ce silence des politiques si prompts à se ruer sur les faits divers ? Ma réponse : car les VSS ne troublent pas l’ordre public. Elles sont dans l’ordre social. C’est leur dénonciation qui trouble l’ordre patriarcal. » Et, manifestement, les hommes politiques ne tiennent pas à le troubler.
Pourtant, il y aurait tant à dire sur le mauvais traitement judiciaire des VSS. La France est loin d’être exemplaire en la matière. Et le procès Pélicot entre dans sa phase épouvantable de mise en accusation de la victime. Gisèle Pélicot, bombardée de questions perfides sur ses mœurs par la défense, a éclaté lors de l’audience du 18 septembre : «Je comprends que les victimes de viol ne portent pas plainte ! On passe vraiment par un déballage où on essaye d’humilier la victime !» Celle qui a voulu que ce procès soit public « pour que la honte change de camp » dénonce : «Depuis que je suis arrivée dans cette salle d’audience, je me sens humiliée. On me traite d’alcoolique, on dit que je me mets dans un état d’ébriété tel que je suis complice de M. Pelicot». Il lui est reproché de se baigner nue dans sa piscine ou d’aller nue dans sa salle de bain…
Victimisation secondaire, la France dans le collimateur de la CEDH
Les présidents devraient rappeler à l’ordre les avocats de la défense quand ils infligent ce genre de traumatismes supplémentaire aux victimes, ils le font manifestement peu dans les affaires de VSS.
Ces pratiques des tribunaux français sont de plus en plus mis en cause par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH)
Lire : Violences sexuelles et justice : la « victimisation secondaire » dans le collimateur de la CEDH
Plusieurs affaires ont été portées devant la CEDH après que des décisions de justice ont été rendues en France sur la base de questions biaisées, inversion de culpabilité, consentement présumé, ignorance des phénomènes d’emprise ou de sidération…
Si les associations féministes, soutenues par de brillant.es avocat.es, dénoncent ces phénomènes, si des femmes élues engagent des démarches pour faire changer les lois et les pratiques, les ténors de la politique, eux, ne font rien, ne disent rien pour changer cet « ordre social patriarcal ».