Avec Juliette au printemps, Blandine Lenoir nous entraîne au sein d’une comédie chorale aussi drôle qu’émouvante. Autour d’Izïa Higelin, sublime interprète de Juliette, gravite toute une série de personnages comme on aimerait en voir plus souvent au cinéma.
Après son film Annie Colère, réalisé en 2022, Blandine Lenoir renoue avec la comédie familiale qui avait fait le succès de de ses deux premiers longs métrages : Zouzou (2014) et Aurore (2017).
Juliette au printemps est l’adaptation d’un roman graphique, celui de Camille Jourdy, intitulé Juliette, les fantômes reviennent au printemps (paru chez Actes Sud Bd). Blandine Lenoir explique avoir eu un gros coup de coeur pour cette bande dessinée « qui aborde beaucoup de sujets : la dépression, la place qu’on occupe dans une famille sans parvenir à la déplacer malgré les années, la pudeur, l’amour, la sexualité, le deuil, la maternité… c’est du quotidien traversé par la tragédie, et tout ça, avec beaucoup d’humour ! ». Des thématiques également chères à la cinéaste et qu’on retrouve dans ses précédents films, comme elle le reconnaît elle-même : « J’ai eu immédiatement beaucoup de bienveillance et de tendresse pour eux, et j’ai eu envie de m’en emparer pour les emmener dans mon univers, qui n’est pas si éloigné du sien ».
Juliette au printemps : une comédie chorale
Blandine Lenoir nous raconte l’histoire de Juliette (Izïa Higelin), jeune illustratrice de livres pour enfants, qui ne va pas bien. Pour changer d’air, elle rend visite à sa famille pour quelques jours. Une famille comme tant d’autres avec ses failles et ses non-dits mais malgré tout très touchante. Entre son père (Jean-Pierre Daroussin) qui n’arrive pas à exprimer ses sentiments, sa mère (Noémie Lvosky) qui respire la joie de vivre, sa grand-mère qui perd pied, et sa sœur, mère de famille débordée, des souvenirs et secrets vont peu à peu remonter à la surface. Au sein de ce joyeux bazar, elle trouve écoute et réconfort auprès de son nouvel ami Pollux (Salif Cissé), jeune homme poétique et attachant.
C’est avec beaucoup de bienveillance que la caméra filme tous ces personnages. Si Izïa Higelin est lumineuse et émouvante dans le rôle de Juliette, trentenaire dépressive, les seconds rôles sont tout autant magnifiés. Jean-Pierre Daroussin est d’une incroyable justesse dans son rôle de père pas très à l’aise avec les mots et les sentiments. Et la performance de Sophie Guillemin, en mère de famille complètement débordée, est tout simplement remarquable. Quant à Noémie Lvosky, après avoir déjà interprété la mère d’Izïa Higelin dans le film La Belle Saison de Catherine Corsini, on la retrouve ici dans un tout autre registre, pour notre plus grand plaisir.
Le féminisme de Blandine Lenoir
Bien entendu, quiconque connaît le travail de Blandine Lenoir sait que son film sera forcément féministe. Si Annie Colère traitait clairement d’une lutte féministe historique, ses autres films se démarquent par leur façon d’aborder le féminisme. C’est encore le cas dans Juliette au printemps qui ne parle pas directement de féminisme mais le donne à voir. « Le féminisme, c’est aussi raconter des hommes sentimentaux, des femmes qui travaillent, qui sont désirantes, qui gèrent une famille, c’est mettre en scène des corps qu’on ne voit pas souvent au cinéma, c’est mettre à mal « l’instinct maternel »… Et tout ça en creux, sans marteler de discours, de la façon la plus simple, la plus évidente qui soit.» rappelle Blandine Lenoir.
Blandine Lenoir va même jusqu’à poser son regard féministe sur des scènes d’intimité. Lors de sa venue au festival du court métrage de Clermont-Ferrand en février dernier (lire : LES INSOUMISES DÉTONENT AU FESTIVAL DU COURT MÉTRAGE DE CLERMONT-FERRAND), la réalisatrice évoquait ce sujet à l’occasion d’une table ronde sur « Le regard féminin au cinéma ». Elle expliquait en avoir assez de toujours voir « des hommes et femmes extrêmement minces, musclé·es et qui rentrent le ventre pendant les scènes de sexe.»
Blandine Lenoir
J’ai une culture féministe, donc je ne vais pas changer de regard soudainement !
Pour Juliette au printemps, elle dévoilait ainsi avoir tourné des scènes avec « deux corps que nous ne sommes pas habitués à voir au cinéma ». Des corps « voluptueux, ronds, très beaux » pour des scènes de relations sexuelles dont elle se dit « très fière ». Avant de tourner ces scènes, elle précise même avoir proposé aux interprètes de faire venir une coordinatrice d’intimité (lire : QUAND LES COORDINATEUR.RICES D’INTIMITÉ FONT LE CINÉMA). Mais l’actrice Sophie Guillemin et l’acteur Thomas De Pourquery ont refusé, lui faisant totalement confiance. Blandine Lenoir confiait lors de cette table ronde leur avoir parlé non stop pendant le tournage de ces scènes : « plus que de la chorégraphie c’était vraiment une direction. Ils ont adoré et étaient vraiment en sécurité. »
Avec des personnages simples, drôles et attachants, Juliette au printemps est un film à ne pas manquer !
Juliette au printemps de Blandine Lenoir, comédie dramatique (1H36), distribué par Diaphana Distribution. Avec Izïa Higelin, Sophie Guillemin, Jean-Pierre Darroussin, Noémie Lvosky, Salif Cissé, Éric Caravaca, Thomas De Pourquery et Liliane Rovère. En salles le 12 juin 2024.
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