Le 4 mars 2024 doit être gravé dans l’Histoire de France. Aboutissement d’un rude combat féministe, cette date rappellera aux jeunes générations que les Droits des femmes ne sont jamais une évidence et qu’il ne faut jamais s’endormir. Tour (non exhaustif) des innombrables militant·es qui ont valeureusement mené ce combat pour inscrire l’IVG dans la Constitution.
Explosion de joie lundi 4 mars 2024, place du Trocadéro à Paris. Le résultat du vote du Parlement réuni en congrès à Versailles est annoncé sur écran géant par la présidente Yaël Braun-Pivet : l’inscription, dans la Constitution, de la liberté d’avorter est adoptée. La France devient ainsi le premier pays à graver dans le marbre ce droit pour les femmes de disposer de leur corps. 49 ans après la loi Veil, qui reconnaît le droit des femmes à interrompre volontairement une grossesse non désirée, le Congrès vient inscrire cette liberté dans la Constitution.
Une indicible émotion traverse la place, face à la Tour Eiffel qui se met à scintiller pour l’occasion. Les militantes ont donné de la force aux élues qui ont croisé le fer sur la scène politique et toutes savourent ce moment qu’il ne faudra jamais oublier.
Historique !
Pour célébrer l’événement, la Fondation des Femmes et la ville de Paris avaient organisé un grand rassemblement au Trocadéro, sur le parvis des libertés, pour suivre ce moment historique sur écran géant (lire : Le 4 mars, célébration de l’inscription de IVG dans la Constitution à Paris). Militantes féministes, personnalités et anonymes, la foule ne faisait plus qu’une.
L’interruption volontaire de grossesse (IVG) est inscrite dans la Constitution avec 780 voix pour et 72 contre. Les centaines de femmes présentes au Trocadéro exhultent. Parmi les fumigènes verts et violets, résonnent des cris de joie, des larmes, des applaudissements. Elles le savent, elles sont en train de vivre un moment historique.
Alors, même si le combat ne s’arrête pas là, elles savourent cette victoire, entre émotion et fierté. Et elles n’oublient surtout pas celles qui ont mené le combat avant. Si les noms de Gisèle Halimi et Simone Veil sont indissociables de cette longue bataille pour le droit à l’avortement, nombreuses sont celles qui ont milité pour que ce jour devienne réalité.
La comédienne Anna Mouglalis a lu un extrait du Manifeste des 343 pendant que les Parlementaires votaient. Discours filmé ici par le quotidien l’Humanité.
Beaucoup ont voulu raviver le souvenir de toutes ces femmes qui ont souffert d’avortements clandestins douloureux et traumatisants, y laissant pour beaucoup la vie.
Ancien médecin et sénateur de l’Allier, Claude Malhuret, a délivré au Sénat une histoire poignante dont il n’avait jamais parlé. Un témoignage pour l’Histoire, pour ne pas oublier.
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Au-delà de l’Histoire de France
Cette victoire est celle de toutes les femmes françaises mais aussi un message d’espoir pour les femmes du monde entier. Pour toutes celles qui ne disposent toujours pas de ce droit mais aussi pour celles qui voient chaque jour le droit à l’avortement menacé un peu plus par la montée de l’extrême-droite et de l’obscurantisme, comme l’a rappelé Laurence Rossignol lors de son discours qui s’est achevé sur ces mots : « vive le féminisme, vive la France et vive la République ! »
Il est désormais inscrit dans la Constitution : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».
Réactions
Si à la « liberté garantie », beaucoup auraient préféré un «droit garanti », à l’instar du groupe EELV, cette décision n’en reste pas moins une « avancée historique pour les droits des femmes. Désormais, en France, plus aucune loi, aucun courant anti-choix ne pourra entraver le choix des femmes de disposer de leur propre corps. C’est une victoire pour le mouvement féministe et une défaite pour les opposants aux droits des femmes ».
Même réaction du côté du Planning Familial : « C’est aussi donner une défaite aux mouvements antichoix ultra financés et mobilisés partout dans le monde contre le droit à l’avortement. Ce vote, c’est la société toute entière qui dit non aux antichoix ! Notre victoire, c’est leur défaite ! ».
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Cette victoire est aussi et avant tout la victoire de la société civile largement en faveur de cette réforme (86%). Des Françaises et des Français qui, comme le rappelle la Fondation des Femmes, « ont été quasiment 110 000 en 3 semaines à demander au Sénat de l’approuver, dans le cadre d’un appel de la Fondation des Femmes sur Change.Org “Monsieur Larcher, Votez l’IVG”. »
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Il est important de marteler que rien de tout cela n’aurait été possible sans le combat acharné des associations et militantes féministes. La Fondation des Femmes le rappelle : « C’est une victoire féministe, grâce à l’union solide des organisations féministes pour cette constitutionnalisation de l’IVG. La Fondation des Femmes, comme le Planning Familial ou le collectif Avortement Europe, s’est mobilisée depuis 2 ans. »
Pour le Haut Conseil à l’Egalité (HCE), « ce vote marque l’aboutissement d’un combat historique porté par les mobilisations féministes, initié par le mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC) et le manifeste des 343 il y a plus de cinquante ans, qui ont défendu la liberté des femmes à disposer de leur corps.»
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Du côté du gouvernement le Premier ministre Gabriel Attal n’a pas oublié de mentionner lors de sa prise de parole celles qui se sont battues et ont souffert auparavant pour pouvoir disposer de leur corps : « Nous avons une dette morale, envers toutes les femmes qui ont souffert dans leur chair. Nous [leur] adressons surtout un message : votre corps vous appartient, et personne n’a le droit d’en disposer à votre place ».
Aurore Bergé, ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, pense aussi aux générations futures : « Nous enlevons un poids à nos filles, à nos petites filles. Plus jamais elles n’auront à lutter pour disposer librement de leurs corps. C’est pour elles que nous agissons, pour l’avenir ».
Pour Europe Ecologie Les Verts, « c’est également le résultat d’un travail transpartisan pour aboutir à ce vote historique pour la constitutionnalisation de l’IVG. Cette journée s’inscrit dans l’héritage de Simone Veil et de Gisèle Halimi. Elle fait honneur à la République française, premier pays au monde à inscrire l’IVG dans sa constitution. Elle est une victoire sur l’obscurantisme et nourrira les combats des femmes qui voient leur droit à l’avortement mis à mal en Europe et partout dans le monde ».
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Et maintenant ?
Le « sceau du congrès », a été apposé lundi 4 mars à la suite du vote du Congrès pour ancrer le droit à l’IVG dans la Constitution mais une cérémonie de scellement doit encore avoir lieu.
A l’aide d’une presse, le Garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti, imprimera le sceau dans la cire pour l’apposer sur le texte. Datant de la II République, le sceau actuel a été réalisé en 1848 par le graveur des monnaies, Jean-Jacques Barré.
Annoncée par le président de la République, cette cérémonie officielle, ouverte pour la première fois au public, se déroulera au Ministère de la Justice, place Vendôme, ce vendredi 8 mars à 12 heures. Tout un symbole pour l’ensemble des féministes puisque le 8 mars est aussi la journée internationale des droits des femmes.
Si le droit à l’avortement est désormais inscrit dans la Constitution, il n’en reste pas moins que certaines femmes pourraient se voir refuser ce droit de la part de médecins. Grâce à une double cause de conscience, ces derniers peuvent en effet refuser de pratiquer un avortement si cela va à l’encontre de leurs valeurs morales.
Savourer la victoire… Et ouvrir l’oeil
Combattue depuis de longues années, notamment par les associations féministes, la clause de conscience des médecins est aujourd’hui encore dans le viseur de la gauche. Au lendemain du vote du Congrès, La France Insoumise, à travers la voix de Manuel Bompard, déclarait vouloir s’attaquer à la suppression de cette clause de conscience, qui est une entrave inévitable au droit d’avorter. Le Planning Familial défend également la suppression de la double clause de conscience pour l’IVG : « aujourd’hui, la clause de conscience des professionnels de santé reconnaît en France, le droit de refuser tout acte médical autorisé par la loi hors le cas d’urgence (article 47 du code de déontologie médicale). La double clause de conscience qui pèse sur l’IVG participe à une « moralisation » indue de l’avortement – celui-ci devrait être considéré comme n’importe quel acte médical faisant partie de la vie de milliers de femmes.»
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