Les talibans n’ont pas tenu leur engagement de scolariser à nouveau les filles. Des voix en appellent à la diplomatie féministe.
Alors que les filles reprenaient le chemin de l’école en Afghanistan mercredi 23 mars, elles ont été refoulées des établissements scolaires. Depuis le retour au pouvoir des talibans à la mi-août 2021, les filles n’avaient plus accès à l’éducation de la sixième à la terminale dans la majeure partie du pays. Mercredi, les talibans ont ordonné la fermeture des collèges et lycées, quelques heures après leur réouverture. Le 21 septembre 2021, sous pression internationale, les talibans avaient pourtant assuré que les filles auraient accès à l’éducation. La communauté internationale avait fait du droit à l’éducation pour tous une condition de l’aide et la reconnaissance du régime des islamistes fondamentalistes. Plusieurs pays avaient proposé de rémunérer les enseignants.
En annonçant la reprise des cours pour les filles il y a quelques jours, le ministère de l’Éducation avait crânement toisé ces pressions. « Nous ne rouvrons pas les écoles pour faire plaisir à la communauté internationale, ni pour gagner la reconnaissance du monde », avait affirmé à l’AFP le porte-parole du ministère, Aziz Ahmad Rayan. « Nous le faisons dans le cadre de notre responsabilité de fournir une éducation et des structures éducatives à nos élèves ».
Le ministère de l’Education ne donne pas d’explication à l’interdiction finalement décidée mercredi. Mais l’agence de presse gouvernementale Bakhtar News Agency indique qu’il pourrait y avoir réouverture « si les vêtements [des filles] sont conçus selon la charia, les coutumes et la culture afghanes ».
Si les médias, partout dans le monde, ont diffusé des images de filles en colère et en pleurs devant leurs collèges et lycées, les réactions de la communauté internationale n’ont pas été très vives. Heather Barr, directrice associée à Human Rights Watch, qui alertait depuis longtemps sur cette volte-face des talibans, cherche la diplomatie féministe. Dans une tribune publiée dans Inkstick, elle appelle les pays revendiquant une diplomatie féministe à agir pour les femmes afghanes. Elle cite la Suède, le Canada, la France et l’Allemagne.
L’ONU a réagi. « Le refus de l’éducation viole les droits fondamentaux des femmes et des filles », a déclaré Michelle Bachelet, haut-commissaire des Nations unies aux droits humains. « Au-delà de leur droit égal à l’éducation, il les laisse plus exposées à la violence, à la pauvreté et à l’exploitation. »
Pour l’Unicef, Catherine Russell, Directrice Générale a publié une déclaration : « J’appelle les autorités de facto de respecter sans délai leurs engagements concernant l’éducation des filles. J’appelle également les dirigeants communautaires de tout l’Afghanistan à soutenir l’éducation des adolescentes. »
L’envoyé spécial des États-Unis pour l’Afghanistan, Tom West, a déclaré dans un tweet : « Pour le bien de l’avenir du pays et de ses relations avec la communauté internationale, j’exhorte les talibans à respecter leurs engagements envers leur peuple. »
L’ambassadeur de France en Afghanistan, David Martinon, a publié un long message sur twitter demandant notamment : « Comment les autorités de Kaboul peuvent-elles par ailleurs espérer -exiger ?- que le monde revienne aider au développement de l’Afghanistan avec des décisions aussi moralement insupportables qu’économiquement absurdes ? »
Sur les réseaux sociaux, la militante d’Amnesty International en Afghanistan Samira Hamidi, appelle à faire du bruit avec les mots dièse #OpenSchoolsForGirls #SpeakUpForAfghanWomen #LetThemLearn.
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