
Une militante a décrété le 8 mars 2022 « journée de la flemme ». Flemme de réduire un travail colossal mené toute l’année à quelques messages anecdotiques demandés par des médias. Ce huit mars, nous vous invitons à lire et partager nos articles toute l’année.
« Flemme militante de relever le sexisme partout, flemme de fournir du job bénévole, flemme du marketing genré, flemme des cyniques et des opportunistes. » Le 3 mars dernier, une militante lançait cette invitation sur twitter. Sandrine Goeyvaerts, caviste et autrice, travaille dans le milieu du vin où l’égalité femmes – hommes n’est pas gagnée. (Lire : UNE PLAINTE POUR NOYER LE SEXISME DANS LE VIN) Avec « la journée de la flemme », elle défend la grandeur des combats des militantes et dénonce la petitesse de bien des récits sur ces combats.
LesNouvellesNews.fr dit oui à la « journée de la flemme. » Notre journal, qui propose toute l’année « un autre genre d’info » pour tenter de contrer le flot de messages subliminaux sexistes charriés par les autres médias, fait une pause la semaine du 8 mars.
Cette année, nous ne ferons pas d’article pour rappeler aux génies du marketing que le 8 mars n’est pas la journée de « LA femme » avec ce « La » qui réduit les femmes à un stéréotype de douceur et d’altruisme qu’il faut sublimer pour lui vendre n’importe quoi. Nous ne leur rappellerons pas que cette journée est une journée internationale de lutte pour les droits « des » femmes. Ils sont irrécupérables… et ils ne nous lisent pas.
Chez nos confrères, les sujets « 8 mars » sont souvent considérés comme un pensum orienté de deux façons. Soit un rappel contrit de faits et chiffres d’inégalités dont on ne parlera plus dès le 9 mars. Soit des sujets positifs « parce que le féminisme victimaire ça va bien hein ! » avec, dans la presse économique notamment, des portraits de femmes qui ont « réussi ». Message subliminal : c’est possible pour des femmes de réussir et, si inégalité il y a, c’est parce que les autres femmes se complaisent dans leur statut inférieur. Ce n’est pas du tout parce que des lois et règles non écrites assignent les femmes à des rôles sociaux qui les empêchent de réussir leur vie professionnelle…
Lire : L’INFORMATION, MIROIR DÉFORMANT SEXISTE DE LA SOCIÉTÉ
Sophie Gourion, militante et consultante, a réagi à l’appel à la #journéedelaflemme : « Pareil. Flemme aussi d’être sortie de ma boîte le 8 mars pour être la caution féministe d’entreprises et de médias qui se fichent du sujet le reste du temps. »
Car dans le monde de l’entreprise, moult dirigeants sortent le clairon le 8 mars pour dire qu’ils respectent- presque !- les lois sur l’égalité professionnelle. Sept lois depuis 1972 et l’égalité est toujours très loin. Et pour chacune de ces lois, il a fallu la ténacité, l’acharnement et le travail d’associations et de parlementaires pour avancer à chaque fois de quelques millimètres. Dernière en date, la loi qui installe des quotas dans les directions exécutives des entreprises aura du mal à être respectée. (Lire : PARITÉ AU SOMMET DES ENTREPRISES : PETITS PROGRÈS)
Et les associations savent bien que cette loi ne fera pas ruisseler davantage d’égalité à tous les échelons. C’est en valorisant les métiers majoritairement exercés par des femmes que l’égalité pourra advenir. Nous avons rendu compte, sur notre site d’information, de maintes études à ce sujet. (lire notamment : LE JOUR D’APRÈS : LA VALEUR SOCIALE DES MÉTIERS)
Lisez nos articles de la rubrique éco/social qui montrent à quel point les décideurs sont peu concernés par les questions d’égalité professionnelle. Le dernier montre que l’index de l’égalité se retourne contre les femmes. (Lire : EGALITÉ PROFESSIONNELLE : LE REVERS DE L’INDEX)
Et vous trouverez dans nos rubriques sport, culture ou politique bien des études et symptômes montrant qu’on vit dans une culture patriarcale. Dans « bruits et chuchotements » vous lirez comment les médias façonnent les mentalités et travestissent parfois la réalité. Partagez ces articles pour voir la question des inégalités femmes-hommes sous un angle différent.
Les échos terribles de la guerre en Ukraine plongent les féministes dans une rage impuissante. Il y a ce virilisme exacerbé, ces viols de guerre et les ignobles profiteurs : des proxénètes attendent les réfugiées ukrainiennes aux frontières du pays qu’elles fuient. Ils veulent profiter de leur dénuement pour les forcer à se prostituer. La guerre leur fournit de la « matière première » pour leur business très lucratif. Dans des pays supposés aider ces réfugiées, rien n’est prévu pour empêcher cela. La fable de la prostitution libre occulte cette déshumanisation. Cela fait des années que les féministes bataillent pour l’abolition réelle du système prostitutionnel, mais il se trouve encore d’ardents défenseurs de ce système largement relayés par les médias. Pourtant, officiellement la France est un pays abolitionniste. (Lire PROSTITUTION : « LES HOMMES SONT RESPONSABLES DE LÀ OÙ ILS METTENT LEUR PÉNIS »…)
Mais ces messages ont du mal à passer. Les hommes qui décident, dirigent, possèdent les médias et disent aux femmes -et aux hommes- ce qu’elles / ils doivent penser et comment elles / ils doivent se penser , ne prennent pas au sérieux le féminisme.
Et les féministes n’en peuvent plus de crier dans le désert. Elles n’en peuvent plus de devoir prendre des pincettes pour mettre les hommes devant leurs responsabilités. Non, le féminisme ne s’attaque pas aux hommes mais à un système de domination masculine antérieur à nos contemporains. Mais ce sont les hommes d’aujourd’hui qui bénéficient de ce système. Ne pas le reconnaître, ne rien faire pour casser ce système, c’est le faire perdurer. Ils ont quelques privilèges à perdre mais beaucoup de dignité à gagner. Pour casser ce système, ces hommes de pouvoir disposent du travail colossal et le plus souvent bénévole des militantes. Elles fournissent des données, des chiffres, des statistiques sur les inégalités femmes-hommes. Elles élaborent des pactes, des conseils, des méthodes, proposent des politiques pour sortir de ces inégalités. Leurs travaux sont tellement nombreux que nous avons du mal à tous les relayer. Alors, messieurs les dirigeants, arrêtez d’avoir la flemme de changer ce système !
Et, après une semaine de flemme, la rédaction des Nouvelles News reprendra ses activités parce que la bataille pour l’égalité femmes-hommes dans les médias est la mère de toutes les batailles pour l’égalité.