Pour avoir manifesté seins nus dans une église, une ex-Femen est condamnée pour « exhibition sexuelle », une première depuis 49 ans. Des personnalités et associations dénoncent le flou juridique qui entoure cette notion, et qui s’avère discriminatoire à l’encontre des seins des femmes.
Qu’est-ce qu’une exhibition sexuelle ? Pour avoir manifesté seins nus dans l’Eglise de la Madeline à Paris, en décembre 2013, pour dénoncer la position de l’Eglise catholique dans le débat sur le droit à l’avortement en Espagne, Eloïse Bouton, ex-militante des Femen, a été condamnée un an plus tard à un mois de prison avec sursis pour « exhibition sexuelle ». Elle devra verser à l’Eglise 2 000 euros de dommages et intérêts et 1 500 euros de frais d’avocat.
Une condamnation (dont elle compte faire appel) dénoncée par un groupe de personnalités et d’associations. « Bien que certain-e-s d’entre nous ne soutiennent pas l’idéologie de Femen, nous nous étonnons de la sévérité de ce verdict quand nous savons que d’autres personnes qui usent de la nudité pour véhiculer un message politique n’ont pas été inquiétées pour ces faits », écrivent-elles dans Libération. Elles soulignent que c’est « la première fois depuis quarante-neuf ans qu’une femme est incriminée pour exhibition sexuelle en France. Le dernier cas remonte à décembre 1965 et concerne une jeune fille reconnue coupable d’outrage public à la pudeur pour avoir joué au ping-pong seins nus sur la Croisette à Cannes. »
Au-delà de cette seule décision de justice, c’est le concept légal d’exhibition sexuelle que les signataires de cette tribune remettent en cause. Car l’article 222-32 du code pénal érige en délit « l’exhibition sexuelle » (qui a remplacé en 1994 la notion d’outrage public à la pudeur), mais sans préciser en rien ce en quoi elle consiste.
« Les seins des femmes sont-ils un organe sexuel ? Un homme le haut du corps dévêtu tombe-t-il sous le coup de cette loi ? », interrogent-ils alors. Jugeant que « ces imprécisions rendent ce texte discriminatoire et ne placent pas les femmes et les hommes sur un pied d’égalité », les signataires demandent au législateur d’agir, comme ils l’a fait en août 2012 pour la loi sur le harcèlement sexuel. L’article du code pénal qui y est associé est d’ailleurs celui qui suit immédiatement celui sur l’exhibition sexuelle. En août 2012, le Parlement avait modifié la définition du harcèlement sexuel, après que le Conseil constitutionnel avait jugé sa définition imprécise.
Pour l’heure, c’est aux tribunaux que revient de juger ce qui constitue une exhibition sexuelle, sachant que « pour caractériser l’infraction, il doit être démontré que la personne poursuivie a eu la volonté délibérée de provoquer la pudeur publique ou que sa négligence n’a pas permis de dissimuler à la vue des tiers l’acte obscène », précisait le garde des Sceaux en 2003. La militante des Femen a ici payé sa « volonté délibérée », et même revendiquée, de provoquer.
Pour autant, rappellent les signataires dans Libération, dans bien d’autres cas la nudité provocante n’a pas connu les foudres de la justice. « Les militants écologistes qui manifestaient nus en novembre 2012 contre la construction de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, les intermittents du spectacle et le collectif Kamyapoil qui, totalement dévêtus, ont interpellé la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, sur la réforme de leur statut en juin 2014 et les membres des Hommen, mouvement masculin non mixte issu de la Manif Pour Tous, qui à l’instar de Femen, milite torse nu, n’ont pas été poursuivis pour ‘exhibition sexuelle’ ».
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