A Sotchi, où se préparent les prochains JO, une association aide les travailleurs migrants. Les autorités russes goûtent peu cette initiative, ni l’existence des ONG en général.
Les Jeux Olympiques de l’hiver 2014 se préparent à Sotchi, en Russie. Et ce sont plusieurs milliers de travailleurs migrants qui sont employés sur les travaux d’aménagement des sites olympiques. Une main d’œuvre d’autant plus précieuse qu’elle est facile à exploiter. Confiscation de leurs papiers par leurs employeurs, retards ou absences de salaires et de contrats de travail… le réseau « Migration et loi » de l’ONG Memorial pour la défense des droits de l’Homme a fait de ces abus sa spécialité. Mais les autorités ne sont visiblement pas d’accord… et au lieu de s’attaquer à l’exploitation, s’en prennent a l’ONG, dénonce Human Rights Watch.
Lundi 22 juillet, le coordinateur du réseau dépose une plainte au nom des migrants, dénonçant de graves violations des droits de l’Homme. Le lendemain le bureau reçoit une visite surprise – annoncée seulement une demi-heure à l’avance. Selon ces visiteurs impromptus il y aurait eu une plainte contre l’association, mais ils refusent d’en dire plus.
En avril dernier, un migrant avait déjà été arrêté alors qu’il tentait de se plaindre à Memorial pour des retards de salaire. L’affaire avait déclenché une vive émotion et il avait fini par être libéré.
Lorsque des abus sont commis contre les salariés dans le cadre de la préparation des Jeux, le Comité International Olympique doit intervenir. « Je vois mal comment le CIO peut avoir les informations dont il a besoin quand le gouvernement tente de harceler et d’intimider la seule organisation à Sotchi qui documente les abus contre les travailleurs migrants », se désole Jane Buchanan, directrice associée de Human Rights Watch. Elle réclame l’arrêt immédiat du harcèlement à l’encontre de Memorial et des travailleurs tentant de faire valoir leurs droits.
Des ONG harcelées
Memorial avait déjà des problèmes avec les autorités, après avoir refusé de se déclarer « agent de l’étranger » : depuis une loi adoptée en juillet 2012, c’est la dénomination obligatoire de toutes les ONG russes recevant des fonds internationaux. Une expression fortement connotée : elle qualifiait les dissidents des années 1970-1980, soupçonnés d’être à la solde des gouvernements occidentaux. Pour Aliona Kozlova, directrice des archives de Memorial, se présenter ainsi serait « reconnaître une forme de culpabilité ». Depuis mars, l’association est donc harcelée par des perquisitions, notamment dans ses bureaux de Moscou.
Memorial n’est pas la seule touchée : l’ONG Golos (« Voix »), qui avait dénoncé les fraudes aux législatives de 2011, a été suspendue en juin pour six mois, pour avoir refusé de s’enregistrer en tant qu’agent de l’étranger ; auparavant elle avait été condamnée à 750 000 euros d’amende pour la même raison. En juin également, les membres d’une association de défense des droits de l’Homme avaient été violemment expulsés de leurs locaux.
Pour ces raisons, ainsi que pour la récente condamnation de l’opposant Alexey Navalny, l’expert de la Russie Ben Judah appelle les dirigeants européens à boycotter les Jeux Olympiques de Sotchi.
Photo : des travailleurs migrants sur le site de Krasnaya Polyana, Sotchi. © 2012 Brent Stirton/Reportage by Getty Images for Human Rights Watch.
Voir aussi le reportage sur place pour Human Rights Watch : « People and Power: The 2014 Sochi Olympics ».