Juliette Meadel, « l’avenir n’attend pas»
Elue PS à Paris, elle crée un think tank pour mettre l’enfant au cœur de la politique. Ce groupe de réflexion s’inscrit dans un parcours politique patient... Aujourd’hui, elle n’a plus envie d’attendre.
Tout est politique. Juliette Meadel ne le démentira pas. Lorsqu’elle arrive un tout petit peu en retard et légèrement essoufflée en descendant de son vélo, tôt le matin dans un café du 14ème arrondissement à Paris, elle déplore les bronchites à répétition de son fils... qui ne sont pas un cas isolé. En cause, l’augmentation des accouchements par césarienne, le bébé ne faisant pas assez travailler ses poumons. Et si le nombre de césarienne augmente, c’est en partie à cause de l’insuffisance de moyens accordés aux hôpitaux et des risques juridiques moindre pour les médecins accoucheurs. « Un vrai sujet pour la presse», signale-t-elle en passant. Tout est politique.
Mais nous sommes là pour parler de « l’Avenir n’attend pas » le Think Tank qu’elle vient de créer après l’avoir maladroitement appelé « les femmes et les enfants d’abord ». Une erreur, « ce titre était sujet à interprétations, d’aucuns y ont vu des connotations régressives du point de vue de l'égalité entre les hommes et les femmes, comme si nous n'avions de la femme que l'image de la mère. Ce n'était bien entendu pas le cas, mais plutôt que de me livrer à de longues explications de texte, j’ai préféré changer et trouver un nom qui incarne davantage notre objectif : agir maintenant pour l'avenir de nos enfants ». Et de citer Vaclav Havel : « C'est pour les enfants qu'il faut faire de la politique. C'est souvent à cause d'eux que l'on n’en fait pas, mais c'est pour les enfants qu'il faut faire de la politique. »
Elle cite en exemple une de ses idées, reprise par François Hollande au cours de sa campagne alors qu’il lui avait confié un groupe de travail sur la lutte contre les discriminations : soutenir la foule silencieuse de parents isolés –qui sont souvent des mères. « Il faut pouvoir aller les rencontrer dans les quartiers et briser leur isolement. On peut les accueillir dans les écoles maternelles, un matin au petit déjeuner et les orienter par exemple vers des cours de français. C’est une façon de les intégrer. Pour faire échec à la délinquance, il faut que très tôt les parents soient intégrés et en particulier les mères. Il y a urgence à cibler celles qui portent la société. Les femmes des quartiers sont un pilier de stabilité »
Juliette Meadel se réjouit aujourd’hui de l’importance donnée à l’éducation par le gouvernement et du retour à la scolarisation des enfants dès deux ans. « Mais il faut aller plus loin et développer une politique de la petite enfance volontariste. Il manque environ 300.000 places pour les moins de trois ans en France, c’est un problème pour la socialisation des enfants, pour le travail des parents et en particulier des mères. Il existe aujourd’hui de trop nombreuses initiatives de terrain et expérience réussies mais pas suffisamment valorisées et souvent méconnues, (crèches associatives parentales, ou réseaux d'assistantes maternelles, ou encore mode de garde collectif. Il faudrait pouvoir les étudier, les reproduire et en tirer des recommandations pour l'action. Il faut valoriser les métiers de la petite enfance, former les personnes, accorder des diplômes et mieux payer ces professionnels
L’ambition du think tank est de produire des idées sur tous ces sujets, valoriser l’innovation sociale, travailler avec les associations, et créer un label « l’avenir n’attend pas ». Le think tank rassemble des chercheurs, des citoyens engagés, des acteurs de terrains (directrices de crèches, directrice d'école) plutôt marqués à gauche, « mais notre ambition est de l’ouvrir aussi à d’autres couleurs politique » annonce la présidente. « Le problème est que ces questions d’avenir sont toujours remises à plus tard. »
La question de la petite enfance n’a jamais été en effet une priorité. Le dernier gouvernement a par exemple fait trainer plus d’un an un projet de réforme du congé parental pour finalement renoncer à bouger d’un iota. La gauche qui l’avait réformé en 1994 l’avait ficelé de telle sorte que les femmes ayant de bas salaires avaient intérêt à renoncer à leur emploi pour prendre ce congé... Ce qui avait fait bondir nombre de féministes du PS.... Sans autre réactions. » L’avenir n’attend pas se penchera aussi sur le congé parental. « Le congé parental suédois par exemple permet aux deux parents de prendre un congé de 480 jours indemnisé, à répartir entre les deux parents. Une mesure intelligente, car elle permet de valoriser l'investissement paternel au moment de la naissance alors que la mère a souvent besoin d'aide et de soutien. L'arrivée du jeune enfant peut se faire dans des conditions plus agréables pour l'ensemble de la famille. » Et des chercheuses comme Dominique Méda et Hélène Périvier ont déjà fait des propositions pour le financement d’une telle mesure.
Des propositions qui vont dans le sens des thèses de James Heckman, prix Nobel d’Économie cité sur le site de l’Avenir n’attend pas. Il explique qu’ investir aujourd’hui pour améliorer le bien-être d’un enfant sera récompensé au centuple plus tard. Un euro dépensé avant 10 ans en vaut cent après 25.... Reste à faire monter ces idées au plus haut niveau politique.
Pour cela, il faudrait que « l’avenir n’attend pas » et celle qui l’incarne, Juliette Meadel parvienne à peser politiquement. Pour elle, le chemin politique a été semé de succès et d’embûches. Engagée au PS lorsqu’elle était étudiante, elle a toujours milité et est aujourd’hui conseillère municipale dans le 14ème arrondissement à Paris. Diplômée en sciences politiques et en philosophie elle est aussi avocate et ancienne élève de l’Ena. Administrateur civil à la Direction Générale du Trésor, elle faisait partie du premier cercle des soutiens de Ségolène Royal en 2007, chargé notamment des relations avec la presse. Pendant la campagne de François Hollande elle était chargée d’un groupe de travail sur la lutte contre les discriminations.
Candidate éphémère aux dernières législatives, le PS a finalement préféré investir Jean-Marc Germain, ex-directeur de cabinet de Martine Aubry, dans les hauts de Seine. Juliette Meadel aurait , selon le Nouvel Observateur, fait les frais de différends entre aubrystes et Hollandais.
Pas de quoi la décourager. Elle est de ceux qui veulent rénover le Parti socialiste. Au mois de juin dernier elle a proposé une candidature à deux têtes, mixte, avec Gaëtan Gorce pour le secrétariat national du parti socialiste. « Parfois les journalistes nous présentaient ainsi : le sénateur Gaetan Gorce et une femme... » Une femme alibi, forcément, à leurs yeux... Il faudra sans doute encore bien d’autres actions d’éclat pour frayer un chemin aux idées de l’Avenir n’attend pas. Elle y pense...
Juliette Meadel, « l'avenir n'attend pas»Elue à Paris, première signataire d'une motion "Question de principe" en vue du congrès PS de Toulouse, Juliette Méadel a créé un think tank pour mettre l'enfant au cœur de la politique.
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