Le Pop Women Festival fait la part belle aux femmes artistes. Le but ? Contrer les mécanismes d’invisibilisation qui pèsent sur les elles et défendre l’égalité. La littérature féministe y occupe une place centrale. Immersion dans cette bulle de sororité créative et joyeuse.

Bleu, rose, rouge. Du 6 au 8 mars 2025, la ville de Reims a revêtu les couleurs du Pop Women Festival. Créé il y a quatre ans, en 2022 par Céline Bagot, cet évènement célèbre le féminisme à travers la pop culture, notamment la littérature : bandes dessinées, romans et essais.
Les femmes prennent le haut de l’affiche
Si les femmes restent largement minoritaires dans les programmations des festivals en général, elles prennent (presque) toute la place au Pop Women Festival ! C’est d’ailleurs la particularité de cet événement : 80% d’artistes femmes pour 20% d’hommes. C’est le monde à l’envers… et ça fait du bien !
« J’avais envie de mettre à l’honneur la créativité féminine et de parler d’égalité entre les femmes et les hommes à travers la pop culture. C’est comme ça qu’est née l’idée du “Pop“, se remémore Céline Bagot, avant d’ajouter : Comme la parité est loin d’être respectée ailleurs, j’ai décidé de faire comme un pied de nez à ce système qui invisibilise les femmes artistes ».

Tables rondes, lectures musicales et dessinées ou encore dédicaces, la majorité des panels sont 100% féminins. On retrouve, entre autres, les dessinatrices Anne Simon et Caroline Cohen-Ring et l’autrice Edie Blanchard qui s’interrogent sur le concept de sororité, Rokhaya Diallo venue présenter son Dictionnaire amoureux du féminisme (éd Plon), la journaliste Chloé Thibaud et la musicienne Flore Benguigui pour l’essai « Ni muses ni groupies » ou encore les autrices de BD Florence Cestac, Aude Picault et Cati Baur qui renouvellent la représentation des femmes de plus de quarante ans dans leurs albums respectifs. Sur un ton revendicatif ou en ayant l’air de rien, ces ouvrages nourrissent une réflexion féministe, défendent l’égalité et questionnent les injonctions faites aux femmes. Loin du petit quota « artistes féminines », qui est la norme dans beaucoup d’événements culturels, les productions féministes sont ici célébrées dans toute leur diversité.

Une littérature féministe en plein essor
Ces dernières années, les livres féministes ont connu un essor important. Les rayons étiquettés « féministes » se sont multipliés dans les librairies et certaines en font même leur particularité, comme Un livre et une tasse de thé à Paris et L’Affranchie à Lille. Mais l’engouement réel pour la littérature féministe est difficile à chiffrer, tant elle se décline à travers plusieurs formats (essai, BD, manga, etc). Lauren Malka, journaliste littéraire et autrice de l’essai Mangeuses (éd Les Pérégrines), dans lequel elle dissèque le rapport des femmes à la nourriture, interroge la gourmandise, ses excès mais aussi ses privations, considère ce phénomène éditorial comme durable : « Je refuse de penser que cet essor de la littérature féministe soit une mode passagère. Au contraire, elle participe à un renouvellement de la pensée et à un éveil collectif. Un peu comme Les Lumières au XVIIe siècle ».

Mais un constat s’impose lors du Pop Women Festival : le public est en grande majorité féminin, même si quelques hommes, souvent accompagnés de leur compagne, se faufilent dans la foule. Si l’événement célèbre la richesse et la diversité des productions féministes contemporaines, cette littérature parvient-elle à intéresser un lectorat masculin, indispensable au combat pour l’égalité ?
Un lectorat de plus en plus mixte
Alors que les femmes lisent des auteurs et des autrices, les hommes lisent beaucoup moins de livres écrits par des femmes. Mais si la littérature féministe n’échappe pas à ce biais genré dans les habitudes de lectures, les autrices présentes au Pop Women Festival sont optimistes. « Ce sont surtout les femmes qui achètent le livre et les hommes, par ricochet, le lisent, observe Lucile Quillet, autrice de l’essai Le Prix à Payer, adapté en BD par Tiffany Cooper, où elle lève le voile sur les inégalités économiques dans le couple hétérosexuel. Elle ajoute : « Si peu de personnes lisent des essais féministes pour se “détendre”, encore moins les hommes, certains s’en emparent quand même et participent à une prise de conscience ». Lauren Malka témoigne elle aussi d’une évolution progressive chez son lectorat : « Quand le livre est sorti, les premières à s’en emparer étaient des femmes de 30-40 ans. Progressivement, j’ai eu des retours de jeunes lectrices, d’une vingtaine d’années. Enfin, un troisième lectorat est arrivé, celui des femmes d’une soixantaine d’années. Mais au fil des rencontres et des messages que j’ai reçus sur les réseaux sociaux, plusieurs hommes m’ont rapporté avoir lu le livre avec intérêt et que cela leur avait permis de mieux comprendre certaines femmes dans leur entourage, que ce soit leur compagne, leur fille ou leur sœur ».
Le Pop Women Festival participe à cette révolution. « L’idée de ce festival est de célébrer aussi bien le contenu, le féminisme, que le contenant, la pop culture », salue Bertrand Watelet, gérant de la librairie Amory à Reims et partenaire de l’événement depuis ses débuts. Cette 4e édition du “Pop” témoigne aussi de l’essor de la bande dessinée féministe. « La force de ce médium est son accessibilité. Cela permet à un public différent, davantage mixte, de se renseigner et s’emparer de ces problématiques », s’enthousiasme Céline Bagot qui insiste sur la puissance de la pop culture. « Il y a tellement d’artistes féminines passionnantes, que ce soit des autrices, des musiciennes, des podcasteuses et même des humoristes, que je souhaite mettre en avant ! ». Le Pop Women Festival 2025 se clôture sur de belles perspectives pour davantage d’égalité à travers nos lectures et nos playlists.
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