Un policier vient d’être condamné pour « injure non publique en raison du sexe » après avoir traité plusieurs fois une plaignante de « pute ». Reflet d’une misogynie ancrée dans le système judiciaire qui dissuade encore les femmes de porter plainte.
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Les faits remontent à 2022 : une femme de 34 ans se rend au commissariat des 5e et 6e arrondissements de Paris et porte plainte pour « agression sexuelle en état d’ivresse ». Suite à son dépôt de plainte, un policier la rappelle pour lui demander de venir compléter sa plainte. Il lui laisse un message téléphonique… mais. En pensant avoir raccroché, il s’adresse à ses collègues : « Je la rappellerai de toute façon parce que, là, elle doit être en train de cuver. ». Il poursuit : « C’est vraiment une pute. (…) Putain, elle refuse la confront’ [confrontation] en plus, la pute. Comme par hasard. En fait, c’était juste pour lui casser les couilles, je suis sûr. (…) Putain, grosse pute. »
Condamné pour « injure non publique en raison du sexe »
L’affaire fait grand bruit. Le policier, âgé de 33 ans, est suspendu pour quatre mois, avant d’être sanctionné par une mutation professionnelle. Nouvelle sanction en juin 2023 : il a interdiction d’être contact avec les victimes et les mis en cause pour agression sexuelle.
« Ce policier a sali non seulement toutes les femmes qui essaient de déposer plainte (…), mais il a sali, il a craché sur l’uniforme de la République de ses 250 000 autres collègues policiers et gendarmes », avait déclaré Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, estimant que le policier n’avait « plus sa place » dans la police. L’ancien ministre avait cependant précisé ne pas être « le seul à décider, car il y a des recours juridictionnels ».
En janvier 2024, le policier mis en cause est d’abord relaxé par le Tribunal de police de Paris qui jugeait que ces injures ne constituaient pas une « injure non publique en raison du sexe ». La plaignante fait appel au civil et obtient, cette fois-ci, gain de cause. Le 30 janvier 2025, la cour d’appel de Paris condamne le policier à verser 1 000 euros de dommages et intérêts à la plaignante, qui s’ajoutent aux 1000€ de frais de justice, comme le rapporte Médiapart.
Misogynie structurelle dans le système judiciaire
Cette affaire reflète la mauvaise prise en charge des victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS) par le système judiciaire français. En 2024, le taux de classement sans suite d’affaires de violences sexuelles est de 86 %, et monte jusqu’à 94 % lorsqu’il s’agit de viol. Et ça, c’est quand les femmes portent plainte.
À lire : « Violences sexuelles : 86% de classements sans suite malgré des progrès dans la réponse judiciaire«
Un rapport au gouvernement sur les violences sexistes et sexuelles sous relation d’autorité ou de pouvoir, publié en septembre 2024, a évalué que la majorité des victimes de VSS ne portent pas plainte. Pour l’année 2021, « 1,4 million de femmes ont déclaré avoir subi des violences sexuelles, hors cadre familial, dont plus de 200 000 femmes victimes de violences sexuelles physiques et 1,1 million de femmes victimes de violences sexuelles non physiques ». Pourtant « parmi elles, seules 2 % […] ont porté plainte auprès des forces de l’ordre. Ce taux atteint 6 % pour les violences sexuelles physiques (viol, tentative de viol, agression sexuelle) contre 2 % pour les violences sexuelles non physiques (harcèlement sexuel, exhibition sexuelle) », détaille le rapport.
Dissuadées par l’accueil en commissariat, l’inversion de la culpabilité et le non suivi des condamnations des auteurs de violences, les raisons qui poussent les victimes à ne pas porter plainte sont pléthores. Avant de porter plainte contre le réalisateur Christophe Ruggia, l’actrice Adèle Haenel avait elle aussi dénoncé les failles du système judiciaire et déclarait dans Médiapart : « La justice nous ignore, on ignore la justice. » (Lire : « Merci Adèle Haenel ! La colère remplace la honte« )
Former la police aux VSS
Mais depuis MeToo et la prise de conscience collective de l’ampleur des VSS, quelques progrès sont à noter. Suite à une libération progressive de la parole, une libération de l’écoute se met en place. Sont à repenser : l’accueil au commissariat, la prise en charge des victimes ou encore le choix des mots des agents de police.
Depuis quelques années, l’investissement pour la formation des agents de police aux spécificités des violences sexistes et sexuelles est plus important. En novembre 2024, le site vie-publique.fr assurait que depuis 2019, 75 % des policiers et gendarmes départementaux ont suivi des formations dédiées à un meilleur accueil des femmes victimes de violences conjugales. En outre, les intervenants sociaux sont plus nombreux dans les commissariats et les gendarmeries (au nombre de 468 au printemps 2024).
Loin d’être une exception, les propos tenus par le policier condamné reflète les failles de ces mesures et le manque de moyens déployés pour rendre systématique ces formations. Si sa condamnation est un premier pas vers la reconnaissance de la misogynie ancrée dans le système judiciaire, une libération de la parole et, surtout, de l’écoute doit être encouragée et financée.
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