Frédéric Beigbeder descend « Il n’a jamais été trop tard« , le nouveau livre de Lola Lafon. Sa critique, empreinte de sexisme revanchard, est dénoncée.
La plume de l’écrivaine Lola Lafon était-elle meilleure il y a 20 ans ? C’est ce que suggère Frédéric Beigbeder, écrivain et critique littéraire, dans Le Figaro pour descendre Il n’a jamais été trop tard (Stock, 2025), le dernier livre de l’autrice… et il en sait quelque chose puisque « c’est lui qui l’avait édité », comme il tient à le rappeler.
Frédéric Beigbeder, un homme “légèrement dépassé“ par Lola Lafon
« Déchets », « poubelles », « gâchis »… : ce sont les mots qu’il emploie. Dans Il n’a jamais été trop tard, l’autrice, résolument féministe, regroupe plusieurs de ses textes parus entre 2022 et 2024 dans le quotidien Libération, pour témoigner de notre rapport collectif à l’actualité et à l’état du monde. Encensé par plusieurs critiques, comme Télérama qui y voit un ouvrage « captivant » ou encore Les Inrocks qui le place comme « un petit guide de survie à notre époque », cet ouvrage est l’un des succès de cette rentrée littéraire 2025.
Mais Frédéric Beigbeder, qui a lui-même fait paraître un nouveau livre en janvier (Un homme seul, Grasset) semble être en désaccord. Et il en a parfaitement le droit. Mais qu’on aime ou qu’on aime pas, la question n’est pas là. Je, je, je… Dans sa critique du livre de Lola Lafon, Frédéric Beigbeder parle beaucoup de lui. « Je sais c’est moi qui l’ai édité »
Dans un billet publié sur Le Club de Médiapart, un collectif d’avocates exprime son ras-le-bol de la posture de l’écrivain qui se flatte d’être dénicheur du talent de l’autrice. « Vite vite la lumière ! Pourtant il n’est pas sans savoir, Frédéric Beigbeder, que depuis, et largement hors de son édition, Lola LAFON a eu quelques prix… sa lumière à elle », écrivent-elles avant d’ajouter : « Il est colère Frédéric Beigbeder ? pas content ? (…) Pourquoi verser dans l’insulte ? La question n’est pas de savoir s’il exprime une frustration, c’est en sous texte à chacun de ses vilains mots. La question pour nous c’est laquelle ? Celle de n’être plus son éditeur ? Celle de n’avoir pas autant de succès d’auteur ? Celle de ne pas avoir obtenu qu’elle parle dans son podcast ? Lola lui aurait-elle dit non ? La perte d’un ancien monde dans lequel il croyait avoir les codes pour être un « gagnant » qu’il n’est pas et n’a jamais été ? ». En effet, en 2003, Lola Lafon sort Une fièvre impossible à négocier, son premier roman publié par Frédéric Beigbeder, nouvellement éditeur chez Flammarion à l’époque. Mais depuis, l’autrice a publié sept autres livres, qui lui ont valu une ribambelle de prix et de récompenses.
« Qualifier Il n’a jamais été trop tard de « déchets » et « poubelles » ? Sérieusement ? Derrière cette violence inutile, une nostalgie mal placée : c’était mieux avant, quand il l’éditait. Pourtant, Lola Lafon a brillé depuis – et sans lui. », insiste MeToo Média qui apporte son soutien à l’autrice.
Le mythe de l’homme créateur et de la femme qui serait sa créature
En sous texte de sa critique, Frédéric Beigbeder reproduit le sempiternel mythe de Pigmalion, le sculpteur qui façonne la femme parfaite. L’homme est un créateur, la femme est sa créature avait montré Mona Chollet dans son essai Beauté Fatale (La Découverte, 2012). (Lire : « Beauté fatale, nouveaux visages de l’aliénation féminine« )
C’est la même rhétorique employée par Christophe Ruggia lorsqu’il clame avoir permis à Adele Haenel d’être l’actrice qu’elle est. Les louanges s’inversent. Son succès à elle, c’est le sien.
Selon le critique littéraire du Figaro, Lola Lafon serait devenue la « Madame de la Palice des années 2020 », une voix dénuée de sa patte révoltée et anti-système qu’il avait su dénicher à l’époque. Or, à l’inverse de Frédéric Beigbeder qui multiplie les prises de parole et les livres nostalgiques d’un temps où les hommes faisaient ce qu’ils voulaient, Lola Lafon, elle, nourrit une réflexion féministe essentielle, dans son nouveau livre, comme dans les anciens. Par exemple, dans Chavirer (2022) elle dissèque le regard posé sur les jeunes femmes et les mécanismes sournois du système de prédation.
« Non Frédéric Beigbeder c’était pas mieux avant mais c’est définitivement mieux, depuis longtemps quand même et encore surtout, quand on lit Lola Lafon et jusqu’à son dernier livre », conclut #MetooMédia.
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