Promue au rang de chevalier de la Légion d’honneur, la dessinatrice et réalisatrice franco-iranienne choisit de refuser la prestigieuse décoration. La raison ? L’hypocrisie de la France et son manque de soutien au mouvement Femme Vie Liberté.
C’est un honneur qui ne se refuse pas. Et pourtant, Marjane Satrapi, promue au rang de chevalier de la Légion d’honneur en juillet 2024, l’a fait. Dans une lettre adressée à la Ministre de la Culture, publiée le 13 janvier sur Instagram, la dessinatrice et réalisatrice franco-iranienne justifie ce choix en raison « d’une attitude hypocrite » de la France vis-à-vis de l’Iran et dénonce un manque de solidarité avec la population Iranienne qui se bat pour la démocratie.
Soutenir concrètement le mouvement Femme Vie Liberté
« J’ai pris la décision de refuser la légion d’honneur. Ce geste est une marque de solidarité avec les Iraniens, surtout avec les femmes et la jeunesse iranienne, mais aussi avec mes compatriotes français retenus en otage en Iran », précise Marjane Satrapi dans une vidéo publiée sur Instagram où elle détaille son choix.
Arrivée en France en 1994, puis naturalisée en 2006, la dessinatrice et réalisatrice interpelle régulièrement les politiques et la communauté internationale sur la situation actuelle en Iran. Sous le sous le joug du régime autoritaire mené par la République Islamique d’Iran depuis 1979, la population continue de se battre pour la démocratie. En 2022, suite à la mort de Mahsa Amini – la jeune femme avait été arrêtée par la police des mœurs pour un voile “mal” porté et était décédée suite aux coups qu’on lui avait infligés -, le mouvement de révolte Femme Vie Liberté prend de l’ampleur.
La France a plusieurs fois manifesté un soutien oral aux Iraniens et Iraniennes. Mais rien de plus. Marjane Satrapi critique ce manque d’action. Mais elle dénonce surtout une attitude hypocrite : « J’ai réellement du mal à comprendre la politique de la France vis-à-vis de l’Iran. Alors que des jeunes iraniens épris de liberté, des dissidents et des artistes se voient refuser des visas, même de touristes, vous avez les enfants des oligarques iraniens qui se baladent à Paris comme à St Tropez sans que cela ne pose aucun problème. Déjà, il ne faut pas [les] laisser venir en France, insiste-t-elle avant d’ajouter : Je connais des Iraniens complètement intégrés, parlant parfaitement le français, qui ont du mal à renouveler leurs papiers. Ce sont des dissidents qui défendent la démocratie, ils ne peuvent pas retourner en Iran ». Marjane Satrapi le martèle : « Les Iraniens n’ont pas besoin de communication. Nous avons besoin d’actions concrètes. ».
Les Iraniennes ne lâchent rien
La situation des femmes en Iran est alarmante. Dans son message, Marjane Satrapi insiste : « Soutenir la révolution des femmes en Iran ne peut pas se résumer à des photos avec des victimes ou des célébrités lors des commémorations de la mort de Mahsa Amini ».
Alors que la révolte ne faiblit pas, les arrestations se multiplient. En novembre 2024, Ahou Daryaei, étudiante, retire tous ses vêtements devant l’université de Téhéran. Son action fait suite aux remarques incessantes de la police des mœurs à son égard pour un voile « mal » porté et au refus de la laisser entrer dans l’université. Arrêtée puis internée, elle est finalement libérée. Mais le refrain de l’hystérie féminine revient toujours pour contrôler et décrédibiliser les femmes.
Plus récemment, la prix Nobel de la paix et militante iranienne Narges Mohammadi a été libérée temporairement début décembre pour des raisons de santé. Depuis, elle multiplie les prises de parole où elle dénonce “l’appartheid de genre” actuellement en cours en Iran. Elle renouvèle aussi son engagement total aux côtés du mouvement Femme Vie Liberté, sans se soucier des menaces ou d’un alourdissement de sa peine de prison. Interviewée par France Inter le 8 janvier 2025, elle confie : « La République islamiste ne s’est pas contentée de me priver de mes droits civiques, de fermer toutes les organisations dans lesquelles nous étions actifs, mais elle a aussi essayé de me faire taire en me mettant en prison. Cela n’a pas fonctionné parce que j’ai été tellement active en prison que ça m’a valu cinq procès à venir ! Les murs de la prison n’ont pas réussi à me faire taire. Aujourd’hui encore, je sais que les activités que je mène, les entretiens que j’accorde peuvent avoir des conséquences. Mais je ne crains pas ces conséquences, je continue et je continuerai. »
Inlassablement, dans son œuvre comme sur ses réseaux sociaux, Marjane Satrapi interpelle les politiques sur la cause des Iraniennes. Ce refus de la Légion d’honneur y participe. Elle précise toutefois que ce « n’est en aucun cas une action ou une pensée contre la France. Bien au contraire, j’aime profondément ce pays qui est le mien » et souhaite « que la France reste fidèle à elle-même ». Elle conclut : « Je serai honorée lorsque tous les défenseurs de la liberté le seront à mes côtés ». L’appel est lancé !
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