La ligne nationale d’écoute des femmes victimes de violence, le 3919, gérée par la FNSF, doit passer en marché public. Les associations craignent une détérioration du service. Le gouvernement plaide l’obligation légale.
L’annonce avait été faite en mars dernier à l’issue du Grenelle des violences conjugales : le numéro d’appel 3919 pour les femmes victimes de violences conjugales sera ouvert 24 heures sur 24 et sept jours sur 7 avant la fin de l’année. Les associations qui ont mis sur pied ce service avec peu de moyens espéraient davantage de soutien de la part de l’Etat.
Mais « le gouvernement a décidé d’imposer la mise en concurrence du 3919 par un marché public, une décision qui pourrait aboutir tôt ou tard à confier le 3919 à un opérateur plus soucieux de la rentabilité économique que de la qualité du service rendu aux femmes. » estime un collectif d’associations dans une tribune publiée dans « Le Monde ».
Le 3919 existe depuis 1992, et il est dirigé par la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF). Mais l’expérience des écoutantes est bien plus ancienne avec notamment SOS femmes battues qui agissait dès les années 70. Les appels au 3919 nécessitent une écoute particulière en prenant le temps qu’il faut pour chaque femme. La formation et la qualification des écoutantes sont très importantes. Parce que « l’écoute est le premier jalon de la relation de confiance » et qu’il faut parcourir un long chemin pour sortir de l’emprise et des violences conjugales, la FNSF s’appuie sur un maillage associatif dense, capable de prendre en charge les victimes pour un accompagnement au delà du premier appel.
Maryse Berger, membre du conseil d’administration de la FNSF, le souligne : avec les 40 ans d’existence et d’expérience du 3919, la fédération a mis en place de multiples éléments indissociables pour assurer une qualité d’écoute et de suivi des femmes. Le réseau s’appuie sur 73 associations qui ont participé à la création de la FNSF. « Le 3919 ne peut pas être réduit à une plateforme téléphonique, c’est un non sens. (…) On ne comprend pas qu’un travail social puisse être soumis aux lois du marché » déplore-t-elle, « le 3919, ce n’est pas qu’une plateforme, c’est un ensemble qui assure une qualité de service. »
Maryse Berger rappelle aussi que l’article 9 de la convention d’Istanbul signée par la France fait « obligation aux États de soutenir le travail des organisations non-gouvernementales ». Les associations s’attendaient à ce que le 3919 puisse faire l’objet d’une appel à projet mais pas d’un marché public.
Risque d’annulation
De son côté, le ministère chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes explique d’abord le passage en marché public par la nécéssité de faire fonctionner le service 24 h sur 24. Ceci afin de permettre de répondre aux attentes des personnes en Outre-mer, où les violences conjugales sont « très fortes ». Outre-Mer en effet, les horaires ne correspondent pas à ceux du 3919 (de 9 heures à 22 heures en semaine et de 9 heures à 18 heures les week-ends et jours fériés). Un service 24 h sur 24 permettrait aussi de répondre aux personnes qui ont besoin d’une aide durant la nuit. Cette plateforme serait également rendue accessible aux femmes sourdes et aphasiques.
Le cabinet d’Élisabeth Moreno, Ministre déléguée à l’Egalité femmes-hommes, à la Diversité et à l’Egalité des chances, tient à rappeler que le droit lui impose de passer dans un mode de commande publique. Si une mise en concurrence n’est pas faite, le risque serait une annulation, par le juge, des subventions données à la FNSF retardant la mise en service, voire la mise en danger du service actuel. Le ministère indique il ne s’agit pas là d’une « privatisation » mais plutôt d’une « nationalisation » du service, invitant d’ailleurs les femmes qui oeuvrent pour le 3919 à rejoindre ce nouveau projet et ainsi apporter leur expérience et antériorité.
Il rappelle que cette mise en concurrence n’est pas une première. Le n° 116 000, numéro d’appel d’écoute pour les enfants disparus ou encore le n° 360 dédié aux personnes en situation de handicap sont aussi passés en marché public. Des arguments qui ne convainquent pas le collectif, lequel a également lancé une pétition en ligne avec le hashtag #Sauvonsle3919.